Mademoiselle Jeanne ne touche plus terre. Dans un état d’excitation extrême, qui semble provoquer une légère lévitation, elle dévore des yeux le dessin que Gaston est en train de graver au canif sur un marronnier. Les premiers signes apparaissent sur l’écorce : ce sont les initiales de Gaston et de Jeanne et il semble que Gaston entame le dessin d’un cœur les enserrant… Dans un état d’excitation croissante, Mademoiselle Jeanne regarde le dessin qui advient, elle minaude, elle sautille… avant de déchanter dans la dernière case du strip. Le dessin est fini et il n’est pas du tout conforme à ses espoirs : ce qui aurait pu devenir un cœur entourant les initiales des deux amoureux est finalement le portrait grossier d’un bonhomme aux yeux bigleux et aux oreilles décollées.
Dans ces six cases de Franquin, on peut reconnaître toutes les composantes de l’expérience du dessin vivant. Mais avant d’aller plus loin, il convient de définir cette notion.