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partie 4 : croissance de la bande dessinée sur internet (2005-2008)

Julien Baudry

[juin 2012]
La bande dessinée numérique des années 2005-2008 est éminemment singulière, et donne tous les aspects d’une phase de transition. C’est alors moins la nature des œuvres produites qui change que les conditions de leur réception dans la société française. Les blogs bd, momentanément élevés au rang de standard de l’autoédition en ligne, ont accéléré une médiatisation qui concerne plus généralement l’ensemble de la culture numérique. Les anciens acteurs se professionnalisent de plus en plus. Les pratiques de publication quittent progressivement l’autoédition communautaire pour découvrir le modèle de l’hébergement, voire pour se risquer à un premier « éditeur » de bande dessinée numérique.
L’évolution principale tient donc en l’apparition de nouveaux intermédiaires qui structurent progressivement la bande dessinée numérique pour améliorer la visibilité des œuvres sur Internet ou pour aider les auteurs à passer de la publication numérique gratuite à la publication papier rémunératrice. Mais encore tout cela est balbutiant, tout cela se mélange avec les vieux réflexes communautaires encore vivaces et les anciennes communautés créatives bien actives. Là réside tout le sel des années 2005-2008, trop souvent éclipsé par l’ombre des blogs bd.

Du point de vue de la création originale, la bande dessinée numérique de la deuxième moitié de la décennie 2000 découle directement des logiques apparues avant 2005. Elle s’est définitivement installée sur Internet et grandit et évolue en même temps que la culture Web se répand dans la société : une culture de l’accès libre aux œuvres, fondée sur un fonctionnement communautaire où la gradation entre professionnels et amateurs n’est pas encore clairement définie, alors qu’aucun système économique viable n’a encore vu le jour, à l’exception de la rémunération par produits dérivés et publicité. Les années 2005-2008 ont des allures de période transitionnelle, incertaine, qui mêlent les standards issus des origines et les prémices des mutations à venir. Dans cette partie, je m’intéresserai moins à l’évolution des œuvres, pourtant foisonnantes et d’une grande variété, qu’à l’évolution du contexte et des structures dans lesquelles se déploient ces œuvres.
Est d’abord concerné le contexte général de la culture Web, qui occupe une place de plus en plus importante dans les pratiques culturelles des français [1]. Entre 2005 et 2008, les pouvoirs publics prennent acte des évolutions numériques et de leurs impacts économiques prévisibles. La loi s’adapte à deux reprises : la Loi pour la Confiance en l’Economie Numérique (2004) et la loi relative au Droit d’Auteur et aux Droits Voisins dans la Société de l’Information (DADVSI-2006) sont les deux premières grandes tentatives d’adaptation des lois relatives au monde de la culture aux nouveaux usages d’Internet. L’impact de ces évolutions législatives sur la bande dessinée numérique n’est pas encore directe, mais elles traduisent les soubresauts d’une société qui découvre que la cohabitation entre la culture matérielle et la culture virtuelle ne se fera pas forcément sans heurts, car les ordres de grandeur ne sont plus les mêmes. Des acteurs comme Dailymotion (2005) et Deezer (2007) ont pris une importance considérable dans les usages de la population. Ils introduisent aussi une nouvelle appréhension de la publication de contenu en ligne, qui ne sera plus le seul fait de spécialistes. C’est dans ce domaine que l’impact sur la bande dessinée est réel, le mouvement des blogs bd en étant la traduction la plus visible. La publication en ligne cesse d’être le fait d’expérimentateurs ou d’anciens fanzineux reconvertis au numérique. Logique : entre 2005 et 2009, la croissance de l’accès à Internet en France augmente [2].
Mais tout le sel de la période 2005-2008 est justement la cohabitation entre des structures anciennes et émergentes, dans une logique où chaque idée se veut originale par rapport à ses voisins. Les nouveaux acteurs sont nombreux, et optent pour des stratégies différentes, dont l’hébergement, alors en plein essor grâce aux sites comme Deezer. Mais les acteurs les plus anciens (BDamateur, Coconino World, le portail Lapin) sont au plus fort de leur activité et connaissent, pour certains, des évolutions décisives vers la professionnalisation. Ce terme est le mot-clé de la période, jamais vraiment réalisée mais de plus en plus pensée. Le mouvement des blogs bd joue un grand rôle parce qu’il met sur le devant de la scène numérique une nouvelle génération de professionnels qui intègrent la publication en ligne dans leurs stratégies de diffusion. Il importe moins par son impact esthétique que parce qu’il fait porter les regards de la presse et du public en direction de la publication de bandes dessinées en ligne, qui se dévoile brutalement. Cette médiatisation force un espace de création jusque là peu perméable aux réalités du marché de la bande dessinée à s’ouvrir timidement et à clarifier ses rapports avec l’industrie de l’album papier.
Le triple mouvement de croissance des anciens acteurs, d’apparition de nouveaux acteurs et de médiatisation conduit à une professionnalisation accrue de la publication de bande dessinée numérique. Professionnalisation au sens où certains acteurs, anciens ou nouveaux, se lancent dans la commercialisation de leurs publications ; professionnalisation au sens les éditeurs et les auteurs sont de plus en plus enclins à se tourner vers la publication en ligne, et pas seulement à des fins purement promotionnelles. Pour la première fois, on commence à parler « d’édition » de bande dessinée numérique, c’est-à-dire d’un travail de conception et de diffusion d’objets numériques. Certes, le système économique sous-jacent est encore balbutiant. Mais les années 2005-2008 sont celles où la notion d’édition venue du monde du papier, en tant qu’émergence d’intermédiaires professionnels entre l’auteur et le public, émerge dans l’univers numérique. Une rupture considérable par rapport au temps où l’auteur s’auto-publiait, ou se faisait publier et connaître au sein d’une communauté. Beaucoup d’acteurs se positionnent, pour l’avenir, sur les terrains vierges mais fertiles d’un futur marché.

médiatisation et événementialisation
de la bande dessinée numérique


L’évolution la plus remarquable de la bande dessinée numérique entre 2005 et 2008 tient moins à sa phase de création qu’aux conditions de sa réception. De phénomène marginal, la bande dessinée numérique, dans ses déclinaisons diverses (blogs bd, bd en ligne, bd interactive), devient un questionnement central de tout bilan sur la bande dessinée, comme ceux que tirent l’ACBD [3]. Le mouvement va en s’accroissant avec les années. Dans la synthèse des débats de la troisième université d’été de la bande dessinée organisée par la Cité de la bande dessinée d’Angoulême en juillet 2008, Benoît Peeters, fin connaisseur de la question, n’a de cesse d’insister sur l’impact du numérique : « Nous devons essayer d’anticiper l’impact de la dématérialisation de la bande dessinée. », préconise-t-il, avant d’ajouter plus loin : « Ne sommes-nous pas en route – comme cela a été le cas pour la musique – vers une séparation de la consommation et de la propriété matérielle des objets ? (…) Que deviendra la bande dessinée le jour – très prochain je crois – où elle existera surtout comme une histoire à lire et non pas comme un objet à posséder ? » [4]. Comme une réponse aux interrogations de Benoît Peeters, la quatrième université d’été de la bande dessinée, en 2009, sera consacrée au « transmédia », une façon d’aborder, parmi d’autres choses, les mutations numériques. Symboliquement, le sujet du numérique est passé de marginal à central. C’est aussi un des paradoxes de la période 2005-2008 par rapport aux années qui vont suivre : tous les enjeux n’apparaissent pas encore clairement, et les questionnements restent encore à la marge, et les positions encore discrètes.
Le rappel opéré par Benoît Peeters sur l’industrie de la musique m’amène surtout à insister sur le fait que la médiatisation accrue de la bande dessinée numérique s’inscrit dans un discours plus général des milieux de la culture sur « l’impact du numérique ». Ces discours, et la bande dessinée n’y échappe pas, varient généralement entre craintes face à la « dématérialisation », forcément fossoyeuse d’industries culturelles comme le montre l’exemple opportun de la musique [5], et louanges aux possibilités de résurrection offertes par Internet, média démocratique par excellence. Encore peut-on remarquer que, contrairement à d’autres industries culturelles, le marché de la bande dessinée se porte bien en termes économiques, même si beaucoup crient à la surproduction. Au moins est-il encore épargné par les discours catastrophistes.
Alors le phénomène des blogs bd n’est pas le seul moteur de la médiatisation de la bande dessinée numérique, même s’il est clairement le déclencheur d’un intérêt nouveau des médias à l’encontre de ce qui se passe sur Internet. Une médiatisation n’arrive jamais par hasard : elle est le fruit d’acteurs dynamiques et d’un contexte plus global.

la multiplication des évènements jusque dans les institutions traditionnelles de la bd
À partir de 2005, la bande dessinée numérique entre dans une phase d’événementialisation qu’elle n’avait pas réellement connue jusqu’ici, ou alors selon des logiques privées (rencontres « irl »). Tout se passe comme si la mentalité dominante des dessinateurs en ligne avaient changé : plus question de parler entre soi, il faut maintenant aller vers le public.
La création du Festiblog en 2005 par Yannick Lejeune est assurément le premier moment d’événementialisation. C’est l’événement fondateur d’une nouvelle culture où la publication numérique doit aller à la rencontre d’un public extérieur, et non rester dans l’entre soi du premier web. On peut y voir l’impact de l’arrivée sur la toile d’un nouveau type de dessinateurs : de futurs auteurs pour qui la publication en ligne est aussi un moyen de se faire connaître et éditer, là où les professionnalisations des auteurs amateurs du site BDamateur étaient fortuites et rarement attendues. L’enjeu est de se forger un public. Le succès de la première édition du Festiblog lui apporte une réponse satisfaisante : il est possible de réunir le public autour de la bande dessinée numérique. En 2008, la quatrième édition est sous-titrée « festival des blogs bd et des webcomics », intégrant une dimension plus large que les années précédentes.

Mais au-delà du Festiblog, que j’ai déjà pu décrire dans la partie précédente, une évolution de taille d’un point de vue symbolique est l’intégration de la bande dessinée numérique au festival d’Angoulême, l’évènement de référence dans le petit monde de la bande dessinée. En janvier 2007, à l’occasion de la présidence de Lewis Trondheim, le festival accueille un événement venu des Etats-Unis, les « 24h de la bande dessinée » [6]. Le principe est simple : un thème et une consigne sont données et les participants doivent réaliser, en 24h, une bande dessinée de 24 planches. L’originalité de l’exercice repose sur le fait que, à partir de 2008, en plus d’un groupe d’auteurs professionnels installés à Angoulême, le concours est ouvert à tous les participants à distance, amateurs et professionnels. Ils doivent charger en temps réel leurs planches sur un site Internet dédié. Dans tous les cas, les œuvres sont destinées d’abord à être publiées en ligne [7]. La participation est forte du côté des différentes communautés en ligne, en particulier des blogueurs bd qui relaient l’évènement sur leur site, livrant des comptes rendus personnels de leur expérience après les 24h, le transformant littéralement en un défi personnel. Surtout, ce jeu ressemble aux défis qui animent généralement les communautés de dessinateurs en ligne, amateurs de cadavres exquis, de ping-pong, de concours thématiques. L’esprit de création spontanée du Web empiète sur une manifestation institutionnelle.
De l’autre côté de l’Atlantique, les célèbres « Eisner Awards » se sont adaptés à la nouvelle donne numérique et remettent, depuis 2004, un prix du « Digital comic », remis pour la première année à Mom’s Cancer de Brian Fies. Du côté du festival d’Angoulême, dont les prix sont l’équivalent français des Eisner Awards, la réaction est plus mitigée, mais pas inexistante. En collaboration avec trois jeunes maisons d’édition (Vraoum, Diantre !, et L’Officieuse collection), le stand « Jeunes talents » du festival organise pour l’édition 2008, en plus de ses autres concours habituels, un concours « Révélation blog » [8]. A travers cette manifestation, répétée chaque année avec des éditeurs légèrement différents, le festival reconnaît l’importance nouvelle prise par la publication en ligne dans l’émergence de nouveaux auteurs. Il l’encourage, certes timidement, car un prix de la bande dessinée numérique n’existe pas encore. Mais dans la mesure où le festival d’Angoulême est en général un des rares moments où la presse généraliste parle en profondeur de bande dessinée, la présence d’évènements liés à la bande dessinée numérique participe à sa médiatisation.

quelle médiatisation ?
En octobre 2004, le magazine spécialisé Bédéka (éphémère mensuel d’informations spécialisé dans la bande dessinée ayant paru entre 2004 et 2005) consacre un dossier spécial aux « webcomics », réalisé par Xavier Gillard. Le 28 janvier 2005, sur le site lemonde.fr, en collaboration avec Le Monde des livres, un article de Boris Razon évoque l’annuaire des bandes dessinées en ligne ABDEL-INN, de Julien Falgas pour le décrire comme « une excellente porte d’entrée vers l’image et la bande dessinée animée ». La terminologie est encore incertaine mais la presse, spécialisée et généraliste, découvre la bande dessinée numérique autour de cette époque, au moment où des évènements en offrent autant d’occasions d’actualité [9]. Assurément le phénomène des blogs bd, et en particulier le « mystère Frantico », est le déclic qui pousse les journalistes à se tourner vers la publication en ligne. En mai 2005, le quotidien Libération publie un article assez complet sur les blogs bd. Dans une étude statistique réalisée en 2009, Julien Falgas s’est intéressé aux terminologies employées pour parler de bande dessinée numérique dans la presse francophone, entre 1995 et 2009 [10]. Il en tire plusieurs conclusions. D’une part 2005 est un palier significatif quant aux nombres d’articles qui font mention de bande dessinée numérique : un palier de démarrage qui croit lentement jusqu’en 2009. D’autre part, le poids des « blogs bd » n’est pas si important : sans doute est-il crucial comme démarrage et par l’événementialisation forte qu’il insuffle durant l’année 2005, et il garde une place importante, mais la curiosité des journalistes semblent s’étendre à toute forme de bande dessinée en ligne.

Julien Falgas : Terminologies, 2010

Cette médiatisation reste cependant toute relative et doit être analysée en ayant en tête la sous-médiatisation globale de la bande dessinée dans la presse généraliste. Un autre indicateur est celui offert par la presse spécialisée, et notamment de la presse en ligne, aux premières loges pour parler de publication en ligne.

Le site actuabd, l’un des principaux site d’actualité sur la bande dessinée, ouvre le dossier du numérique sur un article sur le piratage, à l’occasion de la condamnation d’un internaute pour diffusion illégale de bandes dessinées scannées (Laurent Boileau, « La chasse aux pirates de BD a commencé ! », article du 8 septembre 2005, url : http://www.actuabd.com/La-chasse-aux-pirates-de-BD-est-ouverte). Mais en juillet 2008, déjà, « L’usage numérique de la BD entre dans une phase industrielle » (article de Didier Pasamonik, url : http://www.actuabd.com/L-usage-numerique-de-la-BD-entre-dans-une-phase-industrielle). L’article, rédigé à l’occasion de la Japan Expo, pose déjà la question d’un nouveau marché. La bande dessinée numérique éveille l’intérêt des journalistes au moment où elle devient (ou promet de devenir) un média de masse. Elle entre alors dans une phase où l’élargissement du public pousse à la médiatisation du phénomène, qui élargit encore le public...
La revue Bodoï est une des premières à parler de bande dessinée numérique et à véritablement animer une promotion de la bande dessinée numérique. Cette revue d’actualités sur la bande dessinée apparaît en 1997, mêlant critiques, articles généraux et prépublications. Dans son numéro 121 de septembre 2008, elle consacre déjà un dossier entier à la bande dessinée numérique, sous le titre « bande dessinée numérique, la révolution est en marche ». Ce numéro 121 est précisément le dernier numéro du mensuel qui est alors le plus ancien des magazines papier spécialisé : le tournant est décidé de passer du papier au numérique et de devenir un site d’informations. A partir de ce tournant, opéré fin 2008, le site devient un des plus prolixes face à la bande dessinée numérique, notamment par la voix d’Allison Reber, que l’on retrouvera par la suite au sein de la société Aquafas... Elle multiplie les articles sur les blogs bd (en décembre 2008, trois articles sur Chicou-Chicou, Margaux Motin et Soph’) et relaie fréquemment les évènements de la blogosphère bd dans une rubrique « le meilleur des blogs bd ». A la fin de l’année 2009, c’est aussi sur Bodoï que Benjamin Roure, le rédacteur en chef, réalise un bilan de l’offre commerciale qui vient juste d’exploser.
La bande dessinée numérique peut profiter également de son positionnement intermédiaire qui l’entraîne dans différents champs de la presse spécialisée. Car si l’on parle, logiquement, de bande dessinée numérique dans Bodoï et Bédéka, on en parle aussi dans les magazines de création numérique, comme Pixel (dans un dossier de septembre 2006) ou dans les magazines de la culture web, comme Geek le magazine (2008).

nouvelles stratégies et structures de la diffusion communautaire

On peut déduire l’accroissement du nombre de dessinateurs publiant en ligne dans la multiplication des communautés et dans le développement de nouvelles stratégies de diffusion de la part des anciennes communautés. Quoi qu’il en soit, c’est bien cette logique communautaire qui prévaut toujours, comme avant 2005. Une logique qui met en avant l’échange entre amateurs et créateurs plutôt que la consommation régulière de bande dessinée numérique. Elle évolue toutefois en intégrant les nouvelles logiques d’hébergement de la culture Web.

diversité des communautés pro/am
La bande dessinée numérique n’est pas un groupe soudé d’auteurs, professionnels et amateurs, échangeant ensemble : au contraire, le paysage qui se dessine est pluriel. C’est celui de groupements plus ou moins en relation les uns avec les autres, mais portant chacun une spécialité et des spécificités. Cette donnée, déjà présente avant 2005, se concrétise encore davantage dans les années suivantes dans la mesure où les communautés indépendantes se multiplient et s’organisent.

Les communautés d’auteurs apparues avant 2005 sont toujours aussi dynamiques et attirent de plus en plus de monde. BDamateur, la plus ancienne, fête ses dix ans en 2008. Les membres se renouvellent alors que les fondateurs (Tube et Franck Rideau) ne sont plus des membres actifs mais ont laissé la main à une nouvelle génération [11]. La revendication d’un fonctionnement par la création communautaire est d’autant plus forte face à l’arrivée des sites de réseautage social. « Et tout ces sites soi-disant communautaires, qui génèrent des milliers de dollars, ne sont que d’infâmes tentatives contre-révolutionnaires, extensions d’une société de consommation de masse qui se croit libre parce qu’on lui dit « Vous avez 173 amis ». Bon d’accord, passons cette dernière tirade… Bref, BDA c’est gratuit, bon. » dit Franck Rideau lorsqu’il revient à l’occasion d’un éditorial en février 2008. La défense des valeurs de l’amateurisme est finalement toujours présent, malgré l’émergence du mouvement des blogs bd qui pousse à la professionnalisation. Seulement le contexte médiatique le rend moins visible, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose.

Antoine Corriveau : BDA, 2008

Le renouvellement des générations au sein de Bdamateur vient aussi de la professionnalisation de certains alors que le site a toujours conservé fièrement la marque de l’amateurisme. A cet égard, l’éditorial rédigé par Martin Vidberg en septembre 2008 (il commence alors à publier des albums) est le marqueur important d’un parcours de dessinateur amateur et du rôle qu’est parvenu à se forger Bdamateur : « Cela fait quelques années que je ne fais plus partie des membres actifs de BDamateur.
Comme sans doute pas mal d’autres, j’ai découvert BDA alors que je gribouillais mes premières planches et je me suis inscrit un peu parce que j’avais envie de partager cette nouvelle passion mais surtout parce que le mot « amateur », clairement assumé par le site, me décomplexait.
J’ai posté régulièrement mes dessins, participé aux conversations du forum, aux rencontres des habitués, je me suis fait de nouveaux amis et je suis même devenu modérateur. Et puis je me suis lassé, justement de ce côté amateur. J’ai eu envie de monter des projets plus ambitieux et de tenter la publication et j’ai eu l’impression, sans doute comme pas mal d’autres, qu’un site qui s’appelait « BDamateur » ne le permettait pas.
À l’époque, j’étais parti un peu déçu de ne pas réussir à développer mes projets sur BDA et puis je me suis rapidement consacré à mon site perso, à mon blog et à la communauté de Bulledair comportant pas mal de pro (et d’anciens de BDamateur).
Avec le recul, je me rends compte que mon itinéraire est assez révélateur de l’importance de ce site. BDamateur a toujours été une communauté ouverte dans laquelle les dessinateurs, même archi débutants, peuvent s’intégrer facilement. C’est aussi un site que l’on peut quitter sans refermer la porte et revenir, pour une planche, un conseil ou pour rédiger, avec plaisir, un édito en se sentant toujours un peu sur « son » site.
 » [12].
Bulle d’air, justement, est parti dans une direction différente de son voisin BDamateur en se frottant au mouvement des blogs bd. Il héberge quelques blogs bd, ceux de Martin Vidberg, d’Obion, de Thorn, mais aussi celui de Christophe Blain, un dessinateur professionnel. Les différentes communautés se positionnent en fonction d’une nouvelle donne : le rapprochement entre amateurs et professionnels. La communauté des blogueurs bd, qui réunit sous une même étiquette des profils extrêmement différents, veut tendre à cette abolition de la distance, ne serait-ce que parce qu’en son sein les amateurs veulent devenir professionnels, ce qui n’était pas le cas de BDamateur. Mais la communauté des blogueurs bd est une illusion qui n’a pas la structuration des anciens sites et forums [13].

La naissance de nouvelles communautés de création amateur venues du fanzinat se fait plus rare : l’arrivée des réseaux sociaux entraîne une perte de vitesse des vieilles formes de sociabilité du premier web (forums, annuaires) au profit de nouveaux modèles. Néanmoins, il arrive que quelques créateurs amateurs se rassemblent encore, comme autour de Dragon Ball Multiverse, un site de dessinateurs amateurs apparu en 2008. Ils y publient des fan-fictions graphiques autour de l’univers du manga Dragon Ball, principalement dessinées par les deux fondateurs Gogeta Jr et Salagir. Ce site rassemble autour de lui la communauté web de fans de Dragon Ball. Mais globalement, les nouveaux modèles de sites communautaires, comme le souligne Franck Rideau dans son édito, sont ceux des hébergeurs où la gestion du site revient à un tiers et non collectivement à une communauté non-individualisée.
En revanche, il faut souligner l’arrivée sur le terrain de la bande dessinée en ligne de communautés d’illustrateurs, anciennes mais jusque là plus spécialisée dans le graphisme et l’animation. Parmi ces forums d’illustrateurs, deux vont jouer un rôle important pour la bande dessinée en ligne : Catsuka et CaféSalé. Il s’agit bien de deux communautés anciennes. Café Salé, plus connue sous le signe CFSL.net est d’abord, en 2002, un forum de graphistes. S’y ajoute une partie « Galerie » qui permet aux membres de présenter leurs œuvres. D’abord conçu, comme beaucoup de forums à l’époque, comme un site s’adressant d’abord aux artistes eux-mêmes, et seulement après aux internautes, il s’ouvre progressivement à un public plus large par le biais d’expositions et de conférences. En 2007, la communauté CFSL s’associe à Ankama au moment où ce dernier, jusque là spécialisé dans le jeu vidéo (avec son jeu Dofus), souhaite s’ouvrir à l’édition de bande dessinée et d’art book. S’ensuit une collaboration fructueuse qui donne lieu à plusieurs arts books et à quelques bandes dessinées (principalement Les carnets de la grenouille noire, par The Black Frog). Catsuka est créé par Tsuka en 2000 comme un site et un forum réunissant des amateurs d’animation, de manga et de culture japonaise en général. Proche, par son public, du site de partage d’images deviantArt, Catsuka attire de nombreux graphistes et est lié à plusieurs auteurs de bande dessinée, dont Gobi, qui en dessine les mascottes.
Ces deux communautés au fonctionnement parallèle et concernant des professions proches du monde de la bande dessinée entrent en contact avec la bande dessinée numérique par le biais de la communauté des blogueurs BD, beaucoup de graphistes étant, à l’occasion, blogueurs, comme The Black Frog pour CFSL ou Balak pour catsuka. Ils entrent ainsi progressivement dans le débat et apportent leur point de vue extérieur, donc riche d’enseignement, sur la bande dessinée numérique.

croissance relative des webzines
En quelques années apparaissent plusieurs webzines qui viennent s’ajouter à Coconino World et à @Fluidz, et leur empruntent leurs caractéristiques [14]. Fondés par de jeunes auteurs pour qui la publication en ligne est intégré à la pratique de dessinateur, ils sont souvent des lieux d’innovation formelle, à l’image de leurs deux aînés, tout en conservant un aspect fanzinesque assumé, ne serait-ce que par leur gratuité.
Il est parfois difficile de faire la part des choses entre un webzine et un blog collectif comme Chicou-Chicou. A ce stade, la prudence incite à éviter les nomenclatures grossières, et rien n’empêche un webzine de prendre la forme d’un blog. Ainsi, un blog collectif comme le blog Damned, tenu d’avril 2005 à novembre 2010, s’apparente, dans ses intentions, à un webzine, en tant que mode d’expression libre d’un collectif de dessinateurs.
Parmi les webzines apparus sur la toile, certains restent, dans leur conception, proches des bons vieux fanzines papier et ne cherchent pas nécessairement à tirer profit du support numérique, simple outil de diffusion. C’est le cas de RAV qui commence, en 2005, comme un fanzine téléchargeable gratuitement en ligne en format pdf. Fondé par Wayne, Will et Dub’s, il grandit progressivement lorsqu’une association est créée en 2007 pour sa promotion et pour l’ouvrir à de nouveaux auteurs. Elle noue des liens avec le milieu des blogs bd, ce qui lui permet d’être présent dès le Festiblog 2006 et d’attirer entre ses pages plusieurs blogueurs comme Nusse, Wouzit, Allan Barte (Wayne, le rédacteur en chef, tient par ailleurs son blog Bières, BD et maladies mentales depuis 2004 et est un habitué de la publication en ligne. La même logique de proximité avec le fanzinat papier habite Puissance Maximum, qui naît en mai 2008 de l’imagination de Bob Futal et Patrick Patrick, webdesigné par Cubi. Bien qu’uniquement consultable en ligne, il conserve d’abord un principe de pagination, avant d’évoluer dans ses éditions suivantes vers une navigation plus souple. Pour ces fanzines, le numérique est avant tout un support de transition, avec un balancement entre du numérique gratuit et du papier payant. Car tous deux finissent par passer à une version papier, dès 2006 pour RAV, et à partir de 2011 pour Puissance Maximum.
D’autres webzines, en revanche, restent entièrement numériques et profitent largement de ce nouveau support. C’est le cas de El Coyote (plus disponible en ligne), créé en 2007 par Cromwell qui réunit plusieurs auteurs pour des bandes dessinées underground (Tanxxx, Riff, Rica...) et se présente comme un site Internet utilisant la technologie flash et accueillant des dessins et des textes humoristiques. Chaque auteur dispose de sa série qu’il met à jour régulièrement, avec des modes de navigation propre à chaque œuvre. Le webzine Numo conserve quant à lui un principe de périodicité avec des parutions thématiques qui sont chacune un site original en flash avec son graphisme propre, à la façon des sites « métaphores » de Coconino World. Ainsi le premier numéro, sous-titré Astrotonic 3000 a la forme d’une soucoupe volante, tandis que celui de 2009, La mort est un cimetière dans lequel le lecteur peut se promener de tombe en tombe, et d’histoire en histoire. Le webzine Numo est la création, en 2006, du collectif Troglodyte qui édite par ailleurs le fanzine trimestriel Ecarquillettes.

Numo : Astrotonic, 2006

Mais malgré ces quelques créations, pour la plupart éphémères ou à la parution aléatoire [15], le support numérique ne semble pas avoir pleinement pris du côté des fanzines d’auteurs, seulement à titre d’expérience ou de transition. Et vers 2009, les webzines semblent plus avoir été une parenthèse sans lendemain pour quelques collectifs de jeunes auteurs qu’un véritable mouvement. Aucun webzine payant n’a vu le jour, par exemple, comme on aurait pu s’y attendre. Finalement, ce sont d’autres logiques de publication, venues non pas du papier mais des évolutions propres au web, qui ont fini par prévaloir.

les logiques d’hébergement
Le modèle de diffusion qui finit par dominer le paysage de la publication en ligne est celui de l’hébergement, et ses déclinaisons. Il peut être interprété comme une solution alternative à la fois à l’auto-publication communautaire et à l’édition commerciale, encore inexistante sur Internet. A l’origine, les sites d’hébergement de fichiers sont de simples prestataires de services pour des internautes voulant diffuser leurs images, textes, musique, vidéo sur Internet sans pour autant créer un site ou posséder. Le principe d’hébergement met donc en rapport, à titre individuel, un internaute créateur, amateur ou professionnel, et un prestataire qui héberge le contenu sur ses serveurs et se charge de la mettre en contact avec d’autres créateurs de son domaine. Les plateformes de blog sont les premiers exemples d’hébergeurs, mais à partir de 2005, un certain nombre d’acteurs essentiels popularisent ce principe : deviantArt (2000) pour le dessin, YouTube et DailyMotion (2005) puis WatTv (2006) pour la vidéo, Flickr (2004) et Picasa (2006) pour la photographie, Jamendo (2005) pour la musique. En plus de la diffusion, les hébergeurs développent des services ajoutés orientés vers l’échange entre les dépositaires et les spectateurs (commentaires, votes, partages, syndication, forum), vers la structuration des contenus (création de profils ou de « chaînes », personnalisation des pages...) et vers des systèmes de gestion des droits d’auteur (notamment en encourageant les Creative Commons, mais pas seulement). Progressivement, les sites d’hébergement s’affirment comme de véritables médias susceptibles de promouvoir des artistes et de lancer de jeunes auteurs, à l’image du vidéaste et humoriste Rémi Gaillard qui se fait connaître par ses vidéos diffusées sur Youtube. L’un des atouts du principe d’hébergement est souvent la communauté qui le soutient et garantit à l’artiste une visibilité certaine. Mais on saisit assez vite que le principe communautaire est traité comme un moyen, une valeur ajoutée au service de l’auteur, que comme une fin en soi, ce qui était le cas dans des communautés spontanées comme BDamateur.
Les évolutions du modèle d’hébergement sont variées. Dans certains cas, l’action de l’hébergeur se limite à la diffusion et la structuration des fichiers diffusés, comme dans le cas de Flickr. Dans d’autres, il se charge également d’organiser la rémunération des créateurs et quitte alors le seul univers de l’hébergement pour flirter avec l’édition, comme sur Jamendo, même si le principe de base reste l’absence de « sélection », qui fait l’éditeur. Découle ainsi toute une série de déclinaisons, du simple hébergeur à l’éditeur, un même site pouvant progressivement évoluer.

Dans le cas de la bande dessinée, plusieurs sites d’hébergement et de partage vont voir le jour, sans toutefois prendre l’ampleur de sites comme YouTube, Flickr ou même, pour rester dans un domaine proche, deviantArt. En effet, contrairement à ce qui se passe au même moment pour la musique ou la vidéo, les dessinateurs professionnels investissent très peu les sites d’hébergement qui restent alors le domaine privilégié des auteurs débutants [16]. Mais d’une grande quantité d’auteurs débutants : entre 2005 et 2009, les plateformes d’hébergement à portée communautaires s’additionnent. C’est sur le principe de l’hébergement qu’est créé en 2007 Webcomics.fr (dont je reparlerai d’ici peu) par Julien Falgas, Marc Lataste, Pierre Matterne, Julien Portalier, ou en 2008 SOS Webcomic par Antoine Latour, lui-même auteur du webcomic SOS à l’origine du site [17]. Par rapport aux autres plateformes, et comme un modèle intermédiaire, Webcomics.fr présente l’originalité d’être issu d’une communauté préexistante, celle réunie autour de l’annuaire ABDEL-INN.

Webcomic.fr, 2007

L’évolution à l’œuvre avec l’arrivée du modèle de l’hébergement, et ce en quoi il rompt avec les modèles de diffusion présents jusqu’ici dans la bande dessinée numérique, c’est qu’il réintroduit l’idée qu’un intermédiaire est nécessaire à la diffusion auprès du public. Jusqu’ici, la bande dessinée en ligne était dominée par une complémentarité entre les sites personnels (dont les blogs bd) et les sites communautaires (BDamateur, webzines...). Dans ces derniers, les auteurs du site sont bien les auteurs des œuvres : il s’agit encore d’un système d’autoédition, même si elle est collective. Avec les hébergeurs, ce n’est pas tant que le principe d’autoédition est abandonné, mais plutôt qu’il se complexifie avec l’apparition d’acteurs qui souhaitent « soutenir » l’autodiffusion, généralement de manière gratuite, mais se faisant rendent les auteurs dépendants d’un intermédiaire susceptible de leur apporter une visibilité adéquate.

De fait, l’hébergement n’est qu’un modèle de publication amené à évoluer dans l’espace ouvert par l’absence d’éditeurs numériques, et de voir naître, à partir du simple principe de partage de fichiers, un multitude de modèles. Un bon exemple est celui du site 30joursdebd. Il est créé en janvier 2007 par le couple Shuky et Karine qui souhaitent s’inscrire dans la mouvance des blogs bd. Leur ambition est, plutôt que de créer un énième magazine de publication, de mettre en place une plateforme qui publierait tous les jours une nouvelle planche d’un nouvel auteur. Recrutant d’abord chez les blogueurs bd, ils pensent ainsi attirer des lectorats dispersés, et les faire profiter à tous : « De ce fait, les auteurs allaient faire un échange de lectorat, puisque le lecteur du dessinateur X viendrait sur 30joursdebd.com pour voir son auteur fétiche, mais il en profiterait aussi pour découvrir le dessinateur Y, ses planches et son site (puisque évidemment, il y a une fiche auteur avec le lien vers son site). Visiblement la formule a bien marché puisqu’on a commencé dès le lancement à 6000 lecteurs par jour… » [18]. Le site est gratuit, à la fois pour les lecteurs (qui ne payent rien) et pour les auteurs (qui ne touchent rien). Selon un principe simple, la présence de blogueurs bd « influents » comme Ced et Monsieur le Chien offre aux plus modestes dessinateurs une visibilité qu’il n’aurait pas eu autrement. Le type d’œuvres publiés est généralement des œuvres courtes, d’une ou deux pages maximum, humoristique ou poétique.
Face au succès du site, Shuky créé en septembre 2007 les éditions Makaka dont le but est de publier les auteurs de 30joursdebd. On trouve au catalogue des dessinateurs comme Ced, Waltch, Garf, Ian Dairin, Monsieur le Chien, Stivo, Johan Troïanowski. Contrairement à un hébergeur, 30joursdebd opère une sélection des auteurs publiés, tout en gardant une gamme assez large en terme de styles et de niveaux et en conservant un aspect communautaire fort, avec des habitués et la présence de commentaires, de jeux, de forums. Chaque auteur est identifié par son profil, qui permet d’accéder à ses planches. Il est assez représentatif des sites qui apparaissent à cette période pour publier des auteurs en ligne. Il introduit le modèle nouveau de l’hébergeur, dont il conserve la gratuité d’accès, l’absence de ligne éditoriale rigide et le principe de profils, mais le mêle à celui de l’éditeur, qui suppose bien une sélection en amont. Cela tout en conservant une forte dimension communautaire, marque de fabrique de la période pré-2005.

croissance et professionnalisation
des anciens acteurs, arrivée de nouveaux


L’arrivée d’intermédiaires prompts à promouvoir, favoriser, voire prendre en charge la diffusion de bande dessinée en ligne est l’évènement majeur de la période 2005-2008. C’est lui qui, bien souvent, explique l’arrivée de nouveaux acteurs et les mutations subies par les anciens.

évolutions majeures d’anciens acteurs, vers la professionnalisation
Les anciens acteurs de la bande dessinée en ligne, présents dès avant la vague des blogs bd, connaissent des évolutions importantes vers la professionnalisation de leur pratique, qui leur permet de prendre en compte l’afflux nouveau d’internautes. Ils deviennent partie intégrante d’un nouveau type d’acteurs qui croit progressivement, les intermédiaires entre l’auteur et les internautes. La professionnalisation des acteurs anciens et le changement de leur modèle de publication peut être vu comme le signe du mûrissement de la présence de bande dessinée en ligne. Même si le modèle économique dominant demeure celui de l’accès gratuit rémunéré par les produits dérivés que sont les albums.

Deux anciens acteurs vont connaître des évolutions parallèles vers un modèle d’hébergement plus assumé : Julien Falgas, le fondateur de l’annuaire ABDEL-INN, et le site de L’employé du moi.
C’est en constatant le succès des blogs bd que Julien Falgas décide d’évoluer vers une plateforme d’hébergement en plus de son annuaire ABDEL-INN [19]. La volonté est dès le départ de rivaliser avec les plateformes de blog en offrant aux dessinateurs un hébergeur spécialisé dans l’image (là où les plateformes de blog sont d’abord faites pour du texte), sans sélection préalable, mais avec les mêmes facilités de publication qu’un hébergeur de blog. Par opposition aux blogs bd, l’idée est de publier des récits sur le long terme, et non des anecdotes ponctuels. Il souhaite garder une distance et proposer simplement une aide à l’autoédition sans intervenir directement dans la promotion des œuvres : chaque dessinateur, qui dispose d’un profil propre, peut ainsi personnaliser son interface de lecture et la page d’accueil de ses webcomics. De ces réflexions naît Webcomics.fr en 2007, qu’il fonde avec Marc Lataste, Pierre Matterne (Dr Folaweb) et Julien Portalier. Parmi les webcomics publiés émergent des œuvres de vétérans de la publication en ligne comme Deo Ignito de Dr Folaweb, Foetus et Foetus de Wayne, Etat des lieux de monsieur To et les diverses œuvres de Fred Boot. L’enjeu de Webcomics.fr est d’aider les dessinateurs amateurs à aller vers la professionnalisation. Pour ce faire, les fondateurs promeuvent l’usage des licences libres Creative Commons pour protéger les œuvres et proposer un modèle alternatif de diffusion des œuvres. La plateforme reçoit l’appui financier du département de la Moselle dans le cadre d’un dispositif de financement de projets.
La maison d’édition L’employé du moi avait déjà expérimenté la publication en ligne à travers le webzine Le journal de l’employé du moi. En avril 2007, elle va plus loin en lançant grandpapier.org. Plus ambitieux et surtout moins ponctuel que les projets précédents, grandpapier.org se veut une plateforme de publication, assez proche dans ses logiques du site 30joursdebd, la régularité de parution en moins. Les auteurs publiés font donc l’objet d’une sélection préalable, même s’il s’agit avant tout de jeunes auteurs et que le principe de gratuité demeure : « Sans être un blog ou un myspace, sans vouloir se substituer aux sites personnels des auteurs, c’est un moyen supplémentaire de se montrer et d’afficher son travail à travers une interface intuitive et pratique tout en s’offrant une visibilité au sein d’une communauté aux intérêts communs. ». Une fois de plus, on se trouve face à un modèle hybride, ni vraiment hébergeur, ni vraiment éditeur : la sélection s’opère au niveau de l’auteur et non de l’œuvre et, une fois qu’un auteur est accepté, il est libre de publier sur son espace personnel. Un système de profil permet de chercher par auteur tandis que les œuvres présentées en page d’accueil sont régulièrement renouvelées. Fidèle aux logiques communautaires originelles de la bande dessinée numérique, grandpapier.org organise fréquemment des jeux, et reprend par exemple le principe des 24h de la bande dessinée à Bruxelles. Il peut aussi s’agir de concours thématiques comme [CRRISP-http://employe-du-moi.org/CRRISP] autour des films d’horreur, qui donne lieu à un album chez L’employé du moi.

C’est qu’en 2007, les rapports entre bande dessinée numérique et édition papier commencent à se poser sérieusement. C’est comme une réponse à ce constat que le portail Lapin change de modèle, au moment où 30joursdebd entame déjà une première mutation du même ordre. Leur modèle est de lancer, parallèlement au site Internet, une maison d’édition papier [20].
Le portail Lapin de Phiip grandit en accueillant soit des nouvelles traductions de webcomics américains (comme SMBC ou Red Meat), soit de nouvelles bandes dessinées numériques françaises (Gordon le mouton par Arnaud, Jerry Stobart par Ale, Saco : Pandemino de Geoffroy Monde). Phiip doit faire appel à un webmaster bénévole pour la maintenance du site. En outre, il s’adapte aux évolutions les plus récentes en se liant rapidement à la communauté des blogueurs bd. Les auteurs et la librairie Lapin ont un stand tous les ans au Festiblog.
Car parallèlement à cette croissance qui transforme le modeste site en un véritable « portail » proposant plus d’une dizaine de bandes dessinées régulièrement mise à jour, une maison d’édition est fondée, habilement appelée « les éditions Lapin », son objectif principal étant, logiquement, de publier des versions papier des webcomics en ligne. Le premier album est publié sur les sollicitations des lecteurs du strip Lapin, mais aussi pour suivre une tendance alors très développé aux Etats-Unis : c’est Je suis un lapin de Phiip [21]. Tiré à 1 000 exemplaires dans une imprimerie locale de la région nordique, il constitue le premier pas de Phiip vers l’autoédition. Suivront d’autres albums comme Ultimex de Gad, Ramon de la muerte de Pab Soum, ou encore En une image de Puyo et Le Pipoloft de Wayne. Phiip devient également le traducteur français du webcomic Plus fort que le fromage. Le virage de la professionnalisation de son activité et de l’éditorialisation des contenus est nettement pris et le catalogue s’accroit tous les ans à partir de 2005.
A travers ce système, le portail Lapin fonctionne sur un principe de rémunération des auteurs [22] et de Phiip (ainsi que des personnes travaillant ponctuellement pour les éditions Lapin) par les produits dérivés que sont les albums, mais aussi des tee-shirts, des badges, des calendriers et autres éléments prisés des lecteurs. Certes, les albums tendent à s’autonomiser du site, et plusieurs paraissent sans avoir donné lieu à une prépublication en ligne. Mais le fondement de « l’entreprise Lapin » demeure le site, au centre d’un modèle de diffusion uniquement en ligne puisque les livres Lapin ne sont pas distribués en librairie (sauf chez quelques libraires spécialisés après démarchage). L’essentiel de la communication passe par Internet, et par quelques évènements (Festiblog, Salon du livre, festivals de bande dessinée).
Malgré ces évolutions importantes qui modifient en profondeur la nature du portail Lapin, Phiip souhaite conserver l’esprit du bénévolat et du don qui prévalait à ses débuts. Pour cette raison il s’essaye ponctuellement à des formules alternatives aux seuls produits dérivés, comme le crowdfunding [23] ou la souscription (principe d’abonnement).

L’évolution du portail Lapin vers l’édition papier peut être mise en rapport avec la création des éditions Makaka par l’équipe de 30joursdebd avec Makaka, ou avec les liens entre grandpapier.org et la maison d’édition qui l’a fondée, L’employé du moi, pour éditer sur papier les histoires et les auteurs qui se démarquent entre ses colonnes. Dans les années 2005-2009, l’une des planches de salut des sites de publication de bandes dessinées en ligne est l’appui sur l’édition papier. Même Webcomics.fr n’est pas en reste, soutenant néanmoins un modèle d’édition alternative. Il noue un partenariat avec TheBookEdition, une entreprise d’impression à la demande qui permet aux auteurs de vendre des versions papier de leurs webcomics. Tous les indices sont réunis pour démontrer que la bande dessinée en ligne a fini de tourner dans le vase clos de la publication numérique gratuite : les publication de blogs bd ont lancé le mouvement, et il semble désormais que la publication en ligne puisse être le prélude à une professionnalisation des dessinateurs par le papier. La naissance d’éditeurs directement issus de sites web (les éditions Lapin, Makaka) montrent en outre que les auteurs ne sont pas les seuls à se professionnaliser. Mais il s’agit aussi de sites encore imprégnés du principe selon lequel le numérique signifie l’accès gratuit et régulier, dans une logique de complémentarité avec le papier, qui serait l’acquisition payante d’un ouvrage en une seule fois.

l’arrivée d’acteurs professionnels
La professionnalisation des anciens acteurs coïncide avec l’arrivée d’un certain nombre d’acteurs professionnels de plusieurs natures, qui viennent tâter le terrain de la publication numérique et posent la question de l’adaptation des modèles du papier au contexte numérique.

Si l’on excepte L’employé du moi et grandpapier.org, les pas des éditeurs papier dans le monde du numérique restent très timides. Certains d’entre eux soutiennent ponctuellement les blogueurs bd en leur permettant d’être publiés pour la première fois : le soutien de Vraoum et des éditions Diantre !, au concours Révélation blog en est un bon exemple. Mais on en reste encore à des expériences ponctuelles. En novembre 2008, lors de la sortie du nouveau Lanfeust des étoiles, les éditions Soleil offre une version pdf de l’album à télécharger auprès du libraire en ligne lekiosque.fr. Un ballon d’essai avant l’explosion des années 2009-2010 pour des éditeurs qui ont bien du mal à se positionner.
Les Humanoïdes Associés, un peu isolés mais qui bénéficient du statut de pionniers de la bande dessinée numérique, se lancent dans l’expérience originale des vidéobd. L’idée est d’adapter pour les smartphone, ces téléphones portables connectés à Internet dont l’usage tend à devenir courant, quelques albums, dans des formats numériques de type flash ou mp4. Il ne s’agit pas d’une simple numérisation mais d’un réel travail d’adaptation : les cases sont choisies, redimensionnées, et des bruitages et doublages sont ajoutés pour aboutir à une hybridation entre bande dessinée et animation, car on conserve malgré tout des images fixes, mais avec un défilement non contrôlé par l’internaute. Une version numérique de Mégalex d’Alejandro Jodorowsky et Fred Beltran est ainsi diffusée à titre d’exemple sur le site de l’éditeur, mais le projet met du temps à se concrétiser, et il faut attendre 2010 pour qu’elle soit commercialisée sur le portail Vidéo Party d’Orange. On pourra regretter l’échec de cette tentative d’apporter une réponse autre que paresseuse à la question de l’adaptation d’albums au format numérique. L’un des avantages était notamment d’offrir l’œuvre sous deux formats numériques adaptés aux contraintes de lecture : flash (format Web) et mp4 (smartphones).

Les premiers sites personnels et blogs avaient ponctuellement leurs webmestres et prestataires de service technique. Puis apparaissent des acteurs que l’on pourrait considérer comme des intermédiaires « techniques » au sens où ils vont assurer, au service d’auteurs ou d’éditeurs, des tâches de soutien à la production et/ou à la diffusion. Il s’agit de Digibidi et Aquafadas.
Le premier de ces acteurs est Digibidi qui naît en juillet 2008 comme un « distributeur numérique » au service des éditeurs (le service fonctionne pleinement à partir de juin 2009). Il assure la commercialisation de bandes dessinées numériques, au début principalement les versions numérisées de bandes dessinées papier. Ses premiers partenariats sont avec Soleil, Joker, Akiléos, Foolstrip, Emmanuel Proust, La Cinquième Couche... Digibidi, un des premiers sur le créneau de la distribution numérique de bande dessinée, donne la mesure en inventant des systèmes de paiement qui deviendront incontournables : soit un « achat » (qui est en réalité le paiement d’un accès en ligne), soit une « location » durant un temps limité. Pas d’abonnement global, ni de lecture hors ligne. L’un de ses atouts a été de concevoir une série de solutions techniques reprises plus tard par ses concurrents : insertion du watermarking pour limiter les copies, possibilité d’insérer un lecteur embarqué dans un site, insertion de commentaires audio... Son système de preview est ainsi fréquemment repris par des sites et des blogs pour promouvoir un album. L’interface de lecture, surtout adaptée à des albums papier numérisées et non à des œuvres originales, se fait page par page, avec une possibilité de zoom.
Aquafadas est un acteur bien particulier qui fait ses premiers pas dans la bande dessinée en 2008. A l’origine, il s’agit simplement d’un éditeur de logiciel, fondé en 2006 par Claudia Zimmer et Matthieu Kopp. Il se spécialise dans les logiciels d’images et imagine notamment le logiciel My Comics permettant d’adapter une bande dessinée numérique à la lecture sur support mobile, qui devient l’application Ave ! Comics pour iPhone. En octobre 2008, la société Aquafadas franchit un pas supplémentaire en nouant un partenariat avec le festival d’Angoulême pour la diffusion numérique des albums de la sélection officielle au moyen d’une application à télécharger. Fort de son premier succès en termes de téléchargement, elle lance un premier essai dans la diffusion numérique commerciale en imaginant une application pour la lecture numérique du dernier album de Lucky Luke aux éditions Lucky Comics. Assez proche de Digibidi en tant que service aux éditeurs, Aquafadas en diffère nettement par la qualité et l’inventivité de son approche technique. En privilégiant les supports mobiles à une époque où ces derniers ne sont pas encore des supports évidents de lecture de bande dessinée, elle tente un pari qui s’avèrera fructueux, en mêlant distribution de bande dessinée et support technique sur le marché balbutiant des applications numériques.
Digibidi et Aquafadas sont les éclaireurs d’un mouvement qui va prendre, les années suivantes, une ampleur considérable : l’essor des intermédiaires assurant mise en forme et distribution des bandes dessinées numériques ou plutôt, dans une large mesure, de bandes dessinées numérisées. Ils répondent moins à un besoin des lecteurs, en quête de lecture numérique qu’ils peuvent trouver gratuitement, qu’à celui des éditeurs voulant se faire une place sur la toile en exploitant les droits d’exploitation numériques des œuvres à leur catalogue. Pendant un temps, ces intermédiaires évitent ainsi aux éditeurs de se poser la question de leur rapport à la publication numérique.

L’année 2007 voit l’apparition de ce qu’il faut bien appeler la première maison d’édition numérique, Foolstrip. Il s’agit d’une étape importante qui voit l’insertion d’un terme venu du papier, l’édition, dans un environnement numérique jusque là rétif à ce vocabulaire. De fait, la publication de bande dessinée en ligne s’était justement construite sur un principe de liens directs entre l’artiste et son public et de liberté totale de l’artiste, hors du choix de l’éditeur. Le phénomène des blogs bd n’avait que peu bouleversé ce principe : avant 2007, l’écosystème, fragile mais viable, voulait que la publication en ligne soit nécessairement gratuite et éventuellement un tremplin vers la seule « vraie » édition, l’édition papier, soit chez des éditeurs issus de la communauté web (éditions Lapin, Makaka), soit chez des éditeurs papier traditionnels (Delcourt, Vraoum, Ankama).

Foolstrip, 2008

Introduire la notion d’édition dans la bande dessinée numérique est donc un changement de taille, sous deux aspects. Il y a réintroduction, entre l’artiste et le lecteur, d’un intermédiaire actif et non théoriquement passif, comme dans le cas de sites et blogs personnels (où le webmestre ou la plateforme ne sont que de simples supports techniques), d’annuaires (ABDEL-INN), de blogrolls (blogsbd.fr) et d’hébergeurs (Webcomics.fr). Il y a affirmation que l’environnement numérique peut être en lui-même une source de profit, en-dehors de tout lien avec le marché papier. « L’édition numérique » est pleinement une invention de 2007, en tant que transposition d’un concept de l’industrie de la bande dessinée papier dans l’environnement numérique. Dans son principe, l’édition se légitime doublement dans le circuit commercial du livre : pour l’auteur parce qu’elle assure pour lui la gestion de tout ce qui n’est pas création pure (production matérielle, promotion, droits d’auteur, diffusion) et pour le public parce qu’elle sélectionne des œuvres selon une ligne éditoriale qui peut-être purement commerciale ou réellement esthétique. Foolstrip est le premier à revendiquer cette rupture essentielle.

Foolstrip est créé en septembre 2007 par Anthony Maréchal et Vincent Demons. Se présentant comme la « première maison d’édition de bande dessinée en ligne », elle assure pouvoir rémunérer les auteurs, au moyen d’un modèle économique simple mêlant la prépublication périodique, traditionnelle dans la bande dessinée, et le modèle freemium. Toutes les semaines, l’internaute lambda peut accéder gratuitement aux épisodes des bandes dessinées publiées en ligne et mises à jour (comme il le ferait dans une revue). Mais l’accès à l’intégralité des contenus, au magazine Trame 9 et aux produits dérivés (goodies, affiches, mais aussi version papier des albums) est payant, soit à la pièce, soit par un abonnement d’1 euro 50 par mois, autant de sources de revenus qui permettent de rémunérer les auteurs. La maison d’édition s’assure des accords avec des distributeurs numériques, comme Digibdi, pour une diffusion plus large. On est bien dans une reproduction du modèle économique d’édition papier, avec en plus la conservation d’un principe de gratuité qui permet d’attirer les clients vers les œuvres qui les intéresse. Aux bandes dessinées est associé un webzine, Trame 9, disponible en pdf, qui contient des articles d’actualité sur la bande dessinée. On trouve sur Foolstrip des œuvres originales comme Mon chat et moi de Kek, Mademoiselle Blok d’Evangelista C, L’esprit d’aventure d’Hervé Créac’h, Le blog de Franquin de Turalo et Piak. Le catalogue se gonfle ensuite en accueillant les nouvelles aventures du célèbre Rahan de Lecureux et Chéret, en 2009. Le système de lecture est une interface page par page ou strip par strip, car les œuvres publiées restent proches des formes de la bande dessinée papier.
A partir de 2008, Foolstrip, comme la plupart des autres acteurs numériques, se lance finalement dans l’édition papier en publiant quelques unes des bandes dessinées diffusées en ligne (Mon chat et moi de Kek, Le blog de Franquin de Piak et Turalo qui sera finalement interdit de ventes pour des raisons de droits à l’image). Foolstrip se lie momentanément avec le mouvement des blogs bd en publiant en 2009, sur papier, Le Dico des blogs, un album collectif qui convoque plusieurs blogueurs célèbres.
Le retour des acteurs les plus précoces en matière d’édition numérique vers l’édition papier est manifeste. A cette date, le seul modèle économique du numérique est cet appui indispensable d’une structure éditoriale traditionnelle. Ce n’est peut-être pas étonnant que l’année 2007 voit apparaître 30joursdebd et Foolstrip : tous deux ont en commun la question de la place du concept d’édition dans la bande dessinée. Le premier se contente de le suggérer en faisant en partie un travail d’éditeur numérique (sélection, mise à disposition du public), mais sans aller plus loin, du moins dans son versant numérique, notamment en conservant le sacro-saint principe de gratuité d’accès et en laissant la sélection s’opérer lors de l’édition papier. Foolstrip, au contraire, s’assume pleinement comme éditeur. Il engage alors une question qui deviendra cruciale à partir de 2009 : la bande dessinée numérique peut-elle être un marché économiquement viable, même en-dehors du marché papier ?

Julien Baudry

• à suivre dans la partie 5 : formation d’un marché et évolutions esthétiques décisives (2009-2012) (en ligne le 24 juin 2012)
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[1] Olivier Donnat dresse ce constat dans son rapport pour l’année 2008 Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique, éditions La Découverte, 2009, et parle d’une « culture de l’écran ».

[2] Selon les statistiques diffusées par InternetWorldStats, le taux d’utilisateurs d’Internet passe de 14,4% en 2000 à 41,2% en 2004. Le taux stagne ensuite jusqu’en 2008, date à laquelle il atteint 58,1%.

[3] C’est à partir de 2008 que Gilles Ratier évoque régulièrement la création de bande dessinée numérique dans ses rapports.

[4] Université d’été de la bande dessinée, L’état de la bande dessinée, vive la crise ?, Les impressions nouvelles/CIBDI, 2008, p.88.

[5] L’année 2007 voit une chute des ventes de compact-disc, dont se plaignent les éditeurs et qui fait craindre une paupérisation du milieu de la musique, à cause des échanges en ligne par le biais du peer-to-peer.

[6] L’idée originale vient de Scott McCloud, et la première édition américaine a lieu en 2004, à l’initiative de Nat Gertler.

[7] Même si un premier recueil a été publiée en 2007, Boule de Neige.

[8] Voir la partie 3 pour plus de détails sur cette manifestation.

[9] On peut regretter cette médiatisation réduite à un traitement événementiel et assez superficiel de la bande dessinée numérique, mais il est vrai que la bande dessinée est déjà fort peu médiatisée.

[10] Julien Falgas, « Terminologies », site de Julien Falgas, article du 9 décembre 2009, url : http://julien.falgas.fr/post/2009/12/09/Terminologies, page consultée le 19 mars 2012.

[11] C’est là aussi une des caractéristiques des communautés de création en ligne que de ne jamais « appartenir » à un groupe constitué, comme les hébergeurs et les éditeurs, mais de renouveler fréquemment l’équipe d’administrateurs et de modérateurs, le plus souvent bénévoles.

[12] Martin Vidberg « BDA for Ever », éditos BDamateur, article du 1er septembre 2008, url : http://www.bdamateur.com/bda/php/site.php?task=edito&edito=65, page consultée le 19 mars 2012.

[13] Se reporter à la partie 3 pour l’analyse de cette communauté.

[14@Fluidz disparaît d’ailleurs en 2005.

[15] Je parle aussi pour leur version numérique : le fanzine RAV est devenu une publication importante qui en est à sont troisième numéro.

[16] Pour prendre l’exemple de DailyMotion, par exemple, le site d’hébergement est devenu un outil de diffusion pour de nombreux professionnels de plusieurs domaines, créant leur propre chaîne.

[17] Nous aurons l’occasion de reparler dans la partie 5 de Manolosanctis. Je signale simplement ici que ce site, apparu en 2009, fonde son modèle éditorial sur un principe communautaire, d’autogestion des publications et de leurs commentaires par les auteurs et les lecteurs. Historiquement, il s’agit de la dernière tentative de ce genre, et elle marque à la fois la fin de l’ère des « hébergeurs » de contenu et le début d’une éditorialisation de plus en plus poussée.

[18] « 30joursdebd » par Shuky et Karine, url : http://30joursdebd.com/2010/08/27/30joursdebd-par-shuky-et-karine/, page consultée le 19 mars 2012.

[19] La plupart des informations présentes ici ont été relevées lors d’un entretien mené avec Julien Falgas, à Metz, le 18 novembre 2011.

[20] Les informations qui suivent ont en partie été recueillies auprès de Phiip lors d’un entretien mené à Lille le 28 février 2012.

[21] On remarquera que Je suis un lapin précède les premières adaptations de blogs bd sur papier. Mais dans ce cas le travail d’adaptation est moindre dans la mesure où la forme de Lapin est directement inspiré d’un modèle venu du papier, le comic strip.

[22] Selon Phiip, les auteurs sont rémunérés en droits d’auteur à 15% pour les ventes en ligne et 8% pour les ventes en librairies.

[23] Le crowdfunding est un modèle économique où les internautes misent une somme aux choix sur un projet avant sa réalisation pour aider à la mise en production. Phiip publie en 2011 sur ce modèle, grâce au site dédié KissKissBankBank, Pas de RTT pour la DDE.