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hommage : le miquépithèque par nylso

Christian Rosset

En janvier 2010, le musée de la bande dessinée présentait l’exposition Cent pour Cent : à l’invitation de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, une centaine d’auteurs du monde entier rendaient hommage, par une planche inédite, à une planche originale choisie dans les collections du musée d’Angoulême. Nylso avait posé son regard sur Le Miquépithèque de Francis Masse. Son hommage est commenté par Christian Rosset.


Le Miquépithèque est du domaine de la « macro-rhino-épistémologie » (où l’on parle de science en mettant en scène des personnages à gros nez). Son auteur, Masse, a été, de la fin des années 1960 à 1987, un des plus singuliers compositeurs de BD qui aient surgi en ces temps de remise en cause des formes (Masse dit « BD » et non « bande dessinée » car, selon lui, la BD, « c’est la vie qui jaillit en direct », alors que la bande dessinée, « c’est du patrimoine qu’on dépose religieusement dans les urnes »). Depuis, il est passé à la sculpture et dessine dans l’espace. Il expose aujourd’hui dans les musées, ces lieux qu’il a traités avec intelligence et humour dans L’Art attentat ou dans cet épisode des Deux du balcon qui nous projette dans le Muséum d’Histoire naturelle du Mickey où, si l’on compare la morphologie du Mickey des origines à celle du Mickey actuel, on s’aperçoit que le personnage a rajeuni en vieillissant. Cette évolution néoténique de la souris de Disney, Masse l’expérimente, de requin en tintin, de croco en crotale, sur une sacrée ménagerie – dont le prétendu Roi de le monde, l’homme.


Nylso possède un trait d’une grande finesse, s’accordant parfaitement à ses histoires qui se passent loin de l’agitation des métropoles d’aujourd’hui. On a le sentiment que mille et une vies ne lui suffiraient pas pour épuiser les possibilités de tracer au rotring une étendue d’herbe ou les crins d’une bourrique. Dans ses bandes, les personnages sont traités de manière assez schématique, mais leur pensée est complexe car ils ne hiérarchisent pas ce qui est du domaine de l’intuition, du ressenti, et ce qui est du domaine du savoir. Cette planche de Nylso prolonge sur son propre territoire la réflexion de Masse sur la néoténie. Les deux auteurs ont, malgré des différences qui sautent aux yeux, plus d’une chose en commun. D’abord, le fait de pratiquer, selon l’expression de Valery Larbaud, ce vice impuni, la lecture. Ensuite, un sens de l’écart. Enfin, l’invention, par le langage, d’une forme d’humour plus subtil – plus drôle, dans tous les sens du terme – qu’hilarant (même si Nylso reste discret dans sa formulation, c’est présent dans le non-dit qui affleure à la surface des signes).

Christian Rosset

Nylso (Jean-Michel Masson, dit), né en 1964, France
Nylso rompt à l’âge de vingt-sept ans avec son métier de chimiste, quitte la capitale et se lance dans une carrière de dessinateur. Il publie d’abord une revue amateur dans laquelle il fait ses gammes de raconteur d’histoires. En 2000, il trouve son personnage, Jérôme, et un univers, celui des livres et de la librairie, et entreprend de raconter le parcours initiatique d’un apprenti libraire qui, selon ses propres mots, « apprend à affronter le monde ». Six volumes ont paru aux éditions Flblb, dont le dernier, Jérôme et le lièvre, résulte d’une collaboration avec Marie Saur.