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dix fois poïvet

[janvier 1990]

Raymond Poïvet est ce que l’on appelle en Amérique un Artist’s artist : un artiste pour artistes, en somme... Ce qui veut dire, en clair, un dessinateur qui jouit de l’estime et de l’admiration générales de ses pairs mais qui est quelque peu méconnu du grand public. Cela s’applique hélas trop bien à Poïvet.
Il était donc évident, pour lui rendre hommage, de demander aux grands créateurs de la bande dessinée française leur opinion sur Poïvet. Ce que nous avons fait.
La règle du jeu ?
Deux petits textes ayant pour thème « C’est quoi Poïvet pour vous ? » et « Quelle est votre image préférée de Raymond Poïvet, et pourquoi ? » Certains ne se sont intéressés qu’à une des questions.
Certains ont, forcément, parlé autant d’eux-mêmes et de la bande dessinée en général que de Poïvet. Tous ont répondu à l’appel.
Neuf dessinateurs et un graphiste vous racontent Poïvet.

enki bilal

Poïvet n’est pas un dessinateur... c’est un chorégraphe, qui met en scène des corps en équilibre toujours précaire, avec une gestuelle des mains souvent obsessionnelle. On pourrait penser que les visages comptent peu (mais regarde-t-on le visage des danseurs ?)...
Alors comment choisir « une » image dans un tout qui relève d’un langage narratif aussi cohérent, aussi habile, aussi talentueux ?

philippe druillet

Dix ans avant René Goscinny, Raymond Poïvet m’a reçu dans son atelier, il a regardé avec chaleur et gentillesse le dossier d’un animal hystérique, fou de BD.
Il m’a simplement parlé comme je parle aujourd’hui encore aux jeunes graphistes aventureux qui viennent jusqu’à Colombes pour me voir. En souvenir de Raymond Poïvet, je les reçois aujourd’hui avec grand plaisir.
Poïvet, comme beaucoup depuis 1861, depuis ce jour où notre ami Gustave eut la bonne idée de réinventer Carthage et de se prendre de folie pour la belle Salammbô (1861 étant l’année où Salammbô fût écrit, pas celle où le roman parut, ayons l’air branché...), Poïvet, donc, a sombré avec bonheur dans l’adaptation en BD de l’œuvre sublime [1].

Pas étonnant, puisque Flaubert, grand connaisseur en arts plastiques, a écrit un roman pour les créateurs d’arts plastiques.
Siècle après siècle, d’autres continueront à revisiter Salammbô à leur manière.
Salut, mon poteau Poïvet.

jean-claude forest

Dans les années 50, Raymond Poïvet occupait un petit territoire au fond d’un long atelier mansardé, rue des Pyramides. Réduit sacré, coupé du reste du monde par un volumineux porte-manteau où s’accrochaient en permanence les vestes et houppelandes de Robert Gigi et de Christian Gaty, et, occasionnellement, celles de visiteurs respectueux, fantasques ou rigolards, comme Mouminoux et bien d’autres. Je faisais partie des fantasques plutôt respectueux.

La guerre n’était pas encore bien loin, et mes plaisirs de l’âge d’or non plus. Que la loi protectionniste de 49 eût, pour un temps, chassé l’impérialisme de la King Feature Syndicate de nos illustrés tricolores ne changeait rien à mes amours : je défendais avec une nostalgie farouche Milton Caniff et Lyman Young.
Vingt ans plus tard, comme, radotant, je revenais sur le sujet, Poïvet disait en clignant de l’œil : « Forest parle de Lyman Young de telle manière qu’on finirait par oublier qu’il plaisante... » Les bandes dessinées de Lyman Young (Tim Tyler’s Luck, alias « Raoul et Gaston ») étaient pour moi l’exemple type de la bande dessinée qui raconte à merveille.
D’ailleurs, je n’ai pas changé d’avis. La véritable bande dessinée, c’est, à mes yeux, un récit d’abord, que les dessinateurs, metteurs en scène, prestataires de service talentueux de préférence, ont pour charge de servir et d’exalter.

En opposition, le rêve de Poïvet était une bande dessinée sans scénario, un poème graphique dont nulle contrainte ne viendrait, au nom de contingences romanesques, brider la verve et le lyrisme. On mesure l’écart. Pourtant, cela n’a pas empêché notre amitié et une estime que j’espère réciproque.

Il est vrai que nul autre que Poïvet ne m’a autant encouragé à être moi-même, à rester libre de mes choix et de mes opinions. Et sa parole comptait fichtrement, car, exit les Américains de ma tendre enfance, c’était, dans le dessin réaliste français, en ces temps difficiles, le maître incontesté.

Les dessinateurs français n’avaient, en général, rien retenu de la leçon américaine. Mais Poïvet faisait la démonstration que cette école-là ne lui manquait aucunement. Défauts et qualités mêlés, il s’imposait comme un modèle. Dans Vaillant, mais également par la technique époustouflante de ses dessins au lavis pour l’éditeur Del Duca, chez qui la concurrence avec les Italiens était sévère.

Lorsque, par une pirouette du destin qui a cessé de nous surprendre, j’ai eu pour Okapi la charge et le plaisir de lui demander d’illustrer des sujets difficiles, sinon « piégés » par le poids d’une information condensée à l’extrême, j’ai vu arriver un travail plein de vigueur et plus passionné que jamais. Des dessins superbes où, pardonnez-moi cher Poïvet, il était clair que vous vous étiez appliqué, avec une humilité exemplaire, à respecter le récit et à en exalter le contenu.

Adolescent, je n’étais pas tellement fana des Pionniers de l’Espérance. J’étais encore trop imprégné de Guy l’Éclair [Flash Gordon].

Puis il y eut l’épisode du Jardin fantastique [2], inspiré je crois d’un roman russe, et quelque chose a changé. Il me semble que Poïvet, qui à l’époque n’en disait pas trop sur ses états d’âme, avait clairement avoué le plaisir qu’il avait eu à dessiner cette histoire-là. Le plaisir est communicatif.

On me demande de choisir une case. Celle qui plus qu’une autre a su accrocher l’œil du rêveur. J’en vois plusieurs, pourtant. Il y a celle où les Pionniers, réduits à la dimension de minuscules mulots, se sont laissé enfermer dans une noix et s’en vont dérivant sur un ruisseau.

C’est entendre Charles Trénet :
Une noix
Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix
Qu’est-ce qu’on y voit...

Mais je préfère, un peu plus loin dans le récit, le moment où, cette fois, Tangha et ses amis ont pour esquif une feuille morte équipée d’une aile de mouche en guise de grande voile de jonque. En bas de page, deux images se complètent pour n’en faire qu’une dans mon souvenir : des gouttes énormes, venues d’un ciel noir, bombardent les vagues gigantesques d’un étang qui dans la réalité, n’était sans doute qu’une mare agitée par le friselis d’un courant d’air. Le dessin ligneux rappelle évidemment la gravure sur bois de la fin du siècle dernier.

Coïncidence, c’est à cette époque-là que je découvrais chez les bouquinistes, par le plus grand des hasards et avec la gracieuse innocence des autodidactes, les illustrations de Gustave Doré, Riou, De Neuville, Ferrat, Castelli, etc. (sources d’un bonheur qui ne faiblit toujours pas). Et je pensais que Poïvet s’était trompé d’époque et qu’il eût bien mérité de faire partie de cette prestigieuse équipe, qui fit les beaux jours du Journal des voyages et du Tour du monde des années 1880...

robert gigi

Pour moi qui ai eu l’avantage de le fréquenter quotidiennement pendant de très longues années, Poïvet c’est... Il y a tant à dire !... En dehors de ses qualités humaines, Poïvet c’est une connaissance quasi encyclopédique de tout ce qui touche aux arts plastiques et au graphisme : être, anatomie, costume, mobilier, volume... C’est aussi une mémoire visuelle exceptionnelle, avec une faculté de restituer sous tous les angles, sans « docs », aussi bien un carrosse qu’une station d’essence, une rue ou un paysage... C’est aussi un imaginaire très riche. Et puis, regardez bien tous ses dessins : ils dénotent un sens de la composition classique remarquable : Poïvet nous a toujours confié, d’ailleurs, regretter de n’être pas né dans une époque antérieure pour réaliser des peintures religieuses ou autres « grandes machines historiques ».
Il a pu satisfaire ce désir notamment, à mon sens, dans la collection de l’Histoire de France de Larousse. Et tant pis pour les intellectuels et autres « profs » frileux qui méprisaient cette collection ! Enfin, Poïvet, c’est un enthousiasme, une curiosité toujours en éveil pour tout ce qui se fait dans le domaine graphique et, alors que tant de dessinateurs sont figés dans une formule, « pour le plus grand confort de leurs admirateurs », c’est une remise en question et une évolution fascinante de ses moyens d’expression plastique.

Mon image préférée ?... C’est plus une période qu’une image, choisie un peu arbitrairement parmi les nombreuses autres que j’aurais retenues de la Cité de Bangra [3]. Pourquoi cette période ? Peut-être parce qu’elle correspond à l’époque où je suis entré à l’atelier de Poïvet et où je découvrais pour la première fois (ô candeur !) un original de BD ; il me semble revoir encore le luisant de l’encre de Chine sur le brillant du papier (Poïvet employait alors du papier couché). Mais ce ne sont pas que des raisons sentimentales qui ont guidé mon choix. Toute cette période, et cette case le reflète, est exemplaire, en concordance absolue avec ce qui était alors le credo de Poïvet : « Dire le maximum de choses avec le minimum de moyens ». C’était le contraire de la « ligne claire » : souvent, dans certaines vignettes, le cerné n’était pas fermé entièrement et c’est l’œil qui continuait la ligne grâce à l’attache de l’ombre ; également l’ombre portée jouait souvent un rôle essentiel. On voit ici l’application de ce principe de l’ombre portée qui permet, avec une économie de moyens remarquable, de détacher les plans. Enfin, on trouve aussi un exemple de ce que, dans cette période, Poïvet a si bien exploité (parfois de façon encore plus marquée dans d’autres cases), à savoir la vue plongeante. À ma connaissance, aucun des dessinateurs, alors (et après, pas même Poïvet lui-même), n’a réalisé des plans de plongée aussi exemplaires et significatifs où, parfois, les personnages raccourcis à l’extrême, comme « écrasés », se définissaient clairement par leurs ombres portées au sol. La Cité de Bangra, ou la manifestation de l’évidence et de la clarté !

pierre frisano

Faire le choix d’un dessin de Raymond Poïvet en le sortant de son contexte est une gageure. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Peut-être parce que sa sensibilité, au-delà du graphisme, apparaît dans cette image. Le geste élégant et tendre de Tamino à l’animal, le déploiement majesteux des ailes de l’aigle ne sont autres que ceux de l’artiste lui-même.
Une image sublimée, pour qui sait la lire.

paul gillon

Raymond Poïvet est né à la bande dessinée il y a un million d’années et moi qui n’ai que huit cent mille ans, je me souviens encore maintenant de l’hébétude que j’ai ressentie devant l’absolue perfection de la conception et du trait de ce surhomme, qui nous rétrécit tous à la dimension de tâcherons.

Tous, nous devons le remercier d’avoir toujours reculé les limites de son talent et de nous avoir entraînés à sa suite, la langue pendante, espérant toujours qu’un miracle nous permettrait, un jour, de le considérer orgueilleusement d’égal à égal. Cet espoir vit encore en nous puisqu’il nous reste un million d’années pour faire valoir notre revendication.
Merci encore à Raymond Poïvet de bien vouloir nous considérer avec toute l’indulgence qu’il incarne, et j’ose me permettre un crime de lèche-majesté en l’embrassant avec reconnaissance.

Liberté d’interprétation de l’architecture, sens de l’espace, justesse de la composition, équilibre de la répartition du noir et du blanc, économie du trait et précision des moyens d’expression. Tout l’art de Raymond Poïvet est déjà évident quand on regarde cette image du premier épisode des Pionniers de l’Espérance.

nikita mandryka

Loin des modes stériles de notre pauvre époque agitée de tics graphiques, Raymond Poïvet demeure un des plus grands maîtres de la grande tradition classique. C’est un dessin qui part du corps ; un dessin qui s’appuie sur une connaissance anatomique qui, pour être sentie, disparaît devant la forme : jeu de lumières et d’ombres, élégance.

Là, on voit bien ce qui fait la beauté du dessin de Poïvet. Justes attitudes, basées sur une connaissance anatomique assez intégrée pour devenir une seconde nature. Poïvet sent les attitudes, les mouvements de l’intérieur. Et il habille les formes de jeux de lumières (et d’ombres).
Regardez comme les ombres se soulignent de traits gras et comme les traits fins s’affinent et disparaissent dans les lumières. On sent les matières, on a envie de toucher.

P.S. : Dessin au trait, mais d’un trait qui se nie lui-même. Sous les éclats de lumière, il se dissout et disparaît. Ou alors il s’épaissit dans l’ombre et se noie.

jean-claude mézières

Cette image extraite de Caluda [4] me paraît concentrer assez bien l’œuvre de Raymond Poïvet.

La force et la nervosité du dessin réaliste s’expriment par un graphisme proche du croquis.
Les attitudes théâtrales des personnages et la mise en scène prévalent sur leurs personnalités. Le contexte politique, la présence d’un personnage féminin (ce qui était plutôt rare à l’époque !) et l’esthétique S.-F. mâtinée de modern style sans préoccupation rationnelle font le charme immédiatement reconnaissable des BD de Poïvet.

mœbius

Les rapports qu’on entretient avec la bande dessinée sont d’un genre particulier, du moins pour les gens de ma génération, ils ressortissent en effet du domaine de l’enfance... Et donc du domaine des souvenirs d’enfance... Monde à part, hors norme, hors critique. Essentiellement émotionnel et subjectif.
Quand je pense que nous avons tout fait pour sortir la BD de ce que nous appelions « le ghetto de la bande dessinée enfantine », avec sa cohorte de tabous et d’interdits, autant de citadelles et de murs que nous avons fait s’écrouler grâce à nos trompettes en papier... Et pourtant, parle-t-on aux enfants de la même façon qu’aux adultes ?...
Oui, on peut tout leur dire, mais on n’est pas forcé de leur crier aux oreilles... En revanche, il faut bien s’égosiller si l’enfant est loin... Très loin...
À l’époque des Pionniers de l’Espérance (bien nommés), on défrichait donc des voies souvent ouvertes ailleurs. Et c’est bien évident : Poïvet a chaussé les patins d’Alex Raymond, avec moins de ceci, plus de cela... Mais avant tout le respect du genre : l’Aventure, l’aventure héroïque, la Science-Fiction... sociale (Vaillant oblige !) et surtout la parution hebdo... Halètement obligatoire à la fin de chaque page.

Bien sûr, à l’époque, sans vouloir sous-estimer mes facultés d’ado, je n’avais qu’une conscience rudimentaire de cet aspect des choses ; en revanche cette confusion de visions nimbait la série, à mes yeux, d’un mystère inégalable. De même, bien que non averti des lois de l’art, je percevais et recevais de plein fouet le génie graphique de Raymond Poïvet. (Ah ! les Raymond ! C’est le prénom de mon père ! Qui pourrait se prénommer Raymond à notre époque ?...) Maintenant, Jean Pierre Dionnet me demande de parler d’une case mémorable, et là encore c’est une plongée en apnée dans ce monde des émotions puissantes, mystérieuses, fragiles et miroitantes de l’enfance, comparable au monde du rêve... Quelques images défilent avec, en arrière-plan, l’appartement que j’occupais à l’époque avec ma mère. Le ciel d’été béant par la fenêtre grande ouverte. Les cris d’hirondelles. L’armoire plaquée en bois tropical, les fauteuils aux bras lacérés par les griffes du chat... Et mes piles d’illustrés sous la table de l’entrée... Piles croulantes de trésors inouïs, de mondes lointains et dangereux... Et, encastrées par-ci par-là dans ma mémoire, des images inoubliables, Mandrake, le FantômeYves le Loup... Mickey... Les Pionniers… Tangha échappant à l’attraction terrestre, découvrant un monde lointain, des hommes à peau bleue...

Gros plan sur une image particulièrement vive et vibrante malgré l’éloignement du temps, et protégée sans faille de tout jaunissement du papier : Tangha portant secours à Maud, dans les profondeurs d’un océan étranger, Maud prisonnière d’une roche de cristal invisible...

Ainsi nous vivons avec des images vivantes incrustées quelque part, et quelque part Maud est en moi pour toujours, toujours prisonnière et toujours délivrée par Tangha de son éternelle prison transparente.

étienne robial

Peut-être est-il le seul ? Le seul à avoir su donner au trait (dit réaliste) ses lettres de noblesse. Il y a toujours une sorte de frayeur, voire de réticence, à publier ou même à lire « des histoires de BD » où le détail, la sécheresse du graphisme réaliste, ne laissent aucune place à l’imagination. Chez Poïvet, c’est juste l’inverse. Il ne s’agit pas de parler de perfection (ça veut dire quoi ?) mais simplement de talent. Sans jamais être laborieux, Raymond Poïvet a toujours su imposer les histoires les plus louf’ avec le plus grand naturel. Mais bien au-delà de cet état de fait, Poïvet est à l’image de ses personnages : un pionnier. Mais un pionnier solitaire. C’est ça que j’aime par-dessus tout chez lui. Il a su faire face aux cohortes de dessinateurs reconnus, imposer une ligne française ; renvoyant les dessinateurs de l’école belge à une certaine idée de la facilité et du non-dessin.

Chez Poïvet tout est héroïque : sa vie. Non seulement il a produit la plus longue histoire de la bande dessinée française (Les Pionniers de l’Espérance, de 1945 à 1973) mais il a vécu, et bien vécu, les nombreux remous de cette profession incertaine. Héroïque aussi parce que jamais il n’a cédé à la moindre facilité ni voulu entendre le chant des sirènes du succès. A l’heure où un raz-de-marée emportait toute la production éditoriale vers une ligne « jolie » (qui s’appellera plus tard la ligne claire), Poïvet poursuivait sa route. Il continue, d’ailleurs. C’est avant tout cela qui est important, primordial chez lui : cette volonté, jamais freinée, de prouver et de nous prouver que sa route est la bonne. Belle leçon.

En quatre images, Poïvet se lance le plus beau des défis. Il s’imagine en Eisenstein que la Nouvelle Economie Politique aurait privé d’un budget conséquent. Pourtant le sujet est de taille : la vie de Lénine, parsemée des plus belles fresques de la Révolution russe. Il joue alors, au sens propre, sur une fantastique économie de moyens. Ils ne seront plus des milliers à prendre d’assaut le Palais d’Hiver mais seulement une horde. Le trait réaliste subsiste, mais c’est avant tout le mouvement qui est privilégié. Chaque case se métamorphose en un panoramique devenant plan séquence. Le détail n’a plus aucune importance, seul l’emporte le geste des hommes. Poïvet aurait-il alourdi chaque image d’un arrière-plan, d’une mesquinerie historique (mais si, ce jour-là, je vous assure, il neigeait...) que la Révolution s’en serait, sans doute, trouvée retardée.

(Cet article est paru dans la plaquette Raymond Poïvet, le pionnier des Espérances, catalogue de l’hommage à Raymond Poïvet rendu au festival d’Angoulême 17. Conception : Jean-Pierre Dionnet et Étienne Robial ; édition : Centre national de la bande dessinée et de l’image, Angoulême, 1990.)

[1] L’adaptation de Salammbô par Poïvet est parue dans Vaillant Nos. 247 à 265, en 1950.

[2L’Étang des solitudes est le titre originel de cet épisode de 50 planches, paru dans Vaillant Nos.363 à 412 entre avril 1952 et avril 1953. Il a été repris ensuite dans Grandes Aventures No.4 et en album aux éditions Vaillant (1961) sous le titre Le Jardin fantastique. Le musée de la Bande dessinée possède 13 planches originales de cet épisode. Lire ici même le commentaire de l’une d’entre elles par Harry Morgan.

[3] Deuxième épisode des Pionniers de l’Espérance, La Cité de Bangra a paru dans Vaillant Nos.139 à 151, de janvier à avril 1948.

[4Caluda (ou La Machine à penser) est paru dans Vaillant Nos.622 à 684 entre avril 1957 et juin 1958. L’épisode figure avec Le Jardin fantastique dans le tome 4 de la réédition des Pionniers de l’Espérance chez Futuropolis, collection “Copyright” (1988).