dans l’atelier de... lisa chetteau
[Avril 2020]
Diplômée du Master Bande Dessinée de l’ÉESI d’Angoulême, Lisa Chetteau aspire à devenir illustratrice et autrice de bande dessinée. Elle a déjà à son actif plusieurs récits courts autobiographiques et d’autres dans une veine plus horrifique, publiés notamment sur le site Marsam [1] avec le collectif angoumoisin Les Siffleurs ou bien dans le fanzine berlinois Good for nothing comics. Elle a illustré avec sa sœur Margaux Chetteau l’ouvrage David Bowie Rainbowman, et publie régulièrement des dessins sur son compte Instagram [2]. Depuis son arrivée à la Maison des Auteurs en septembre 2019, elle s’attelle à une encyclopédie des rockeuses en bande dessinée.
Marius Jouanny : D’où vient ton intérêt pour le dessin et la bande dessinée ?
Lisa Chetteau : Enfant, je dessinais beaucoup avec ma grande sœur Margaux. On ne peut rien créer ex nihilo, on commence toujours par redessiner ce qu’on aime lire. Je recopiais des planches de Fripouille et Malicette [3] qui étaient déjà dans un univers gothique. Des années plus tard, ma sœur est passée par le Master Bande Dessinée avant moi. Je faisais pendant ce temps ma Licence d’Anglais à l’Université de Tours. Mais je ne voulais pas devenir professeur d’anglais, et je n’avais pas abandonné le dessin : j’avais toujours un petit carnet avec moi pour raconter en dessin des situations marrantes du quotidien. J’ai pris cette habitude depuis le lycée, pour me rappeler des moments passés avec mes amis en dessinant des illustrations ou des bandes dessinées au format strip. J’ai finalement emprunté la même voie que ma sœur. Le Master Bande Dessinée m’a apporté des amitiés fortes, des personnes aux styles de dessin très différents avec qui je suis toujours en contact. Elles m’influencent toujours, et réciproquement j’espère. Ce Master qui allie théorie et pratique n’a pas que des points positifs. Mais au moins je pouvais dessiner dans les marges de mes feuilles de cours sans qu’on me le reproche.
Sur quels sujets ont porté les deux mémoires que tu as écrit durant ce Master ?
Les études théoriques ne m’ont pas particulièrement emballée, même si elles ont stimulé mes envies de création. En deuxième année, j’ai réalisé un mémoire sur la fictionnalisation des rocks stars dans la bande dessinée, après un premier mémoire sur le sentiment de malaise dans l’œuvre de Charles Burns. Un seul dessin de Burns peut susciter de fortes impressions. Je me souviens avoir lu Black Hole d’une seule traite, cela m’a retourné le ventre !
Où es-tu allée après ce Master ?
Je suis retournée à Tours, où j’ai fait un service civique de neuf mois au service culturel. J’y ai notamment réalisé des illustrations pour promouvoir le ciné-club local. J’y fais aussi de temps en temps des séances de Photomaton dessiné. Cela consiste à dessiner le portrait des gens depuis l’intérieur de la machine pour ensuite les faire passer dans la fente.
Tu es ensuite revenue à Angoulême pour une résidence à la Maison des Auteurs depuis septembre 2019. Pourquoi as-tu postulé ?
C’est important pour moi d’avoir un endroit pour travailler ailleurs que dans mon appartement. Cela me motive à bosser sérieusement. Je peux aussi côtoyer d’autres dessinateurs et dessinatrices, comme Léa Murawiec et Jeanne Balas, avec qui je partage mon atelier, mais aussi Zoé Sauvage que j’ai découverte cette année et dont le travail est super intéressant. Et puis, il fallait que je trouve un moyen de rassurer mes parents qui me soutiennent toujours financièrement.
Le fait d’avoir été acceptée à la Maison des Auteurs apporte donc de la légitimité à ton travail ?
Je ne sais pas, je n’ai certainement pas assez de recul pour l’affirmer. Je suis très contente que mon dossier ait été accepté pour une année entière. Mais j’ai encore du chemin à faire pour ne plus m’excuser en permanence et me considérer comme une professionnelle.
Outre tes publications en ligne et tes collaborations avec plusieurs fanzines, tu as pourtant déjà publié à titre professionnel des illustrations avec ta sœur Margaux Chetteau pour le livre David Bowie Rainbowman...
C’est vrai. L’auteur du livre, Jérôme Soligny, a découvert notre travail par Instagram. Il cherchait des artistes jeunes pour avoir un regard différent sur David Bowie. Il a notamment vu une de mes sérigraphies de David Bowie période Ziggy Stardust, qu’il a beaucoup aimée. Je n’en reviens toujours pas de la confiance qu’il nous a accordé. Le courant est bien passé entre nous. Un deuxième tome est en préparation, et nous discutons d’autres éventuels projets.
Comment avez-vous travaillé, avec ta sœur ?
L’ouvrage, très riche en informations inédites, compile des entretiens avec l’entourage de l’artiste et des textes sur le processus de création de ses albums. Pour le tome 1, Jérôme Soligny a écrit quinze chapitres que nous avons illustrés par quinze dessins pleine page. Nous avons travaillé à quatre mains. Il y a même certains dessins que nous avons encré en même temps. Pour d’autres, l’une pouvait commencer par un croquis, le montrer à l’autre... pour qu’on réalise finalement chacune une partie du dessin avant de l’assembler sur Photoshop. Pour un dessin de Bowie habillé en robe, par exemple, je me suis concentré sur le motif de la robe et ma sœur sur son contour. Pour d’autres dessins j’ai réalisé l’arrière-plan, etc. Beaucoup d’auteurs procèdent de cette manière. Parmi eux, les Kerascoët, qui produisent des dessins fabuleux.
Dans une histoire intitulée Le Rituel [4], tu racontes des moments de ta vie personnelle, comme un souvenir d’enfance avec ta sœur. Pourquoi ?
Je dessine des souvenirs tirés de mon quotidien par peur de les oublier. Lorsque quelque chose me fait rire ou me rend triste, j’ai immédiatement envie de l’exprimer par le dessin. J’ai commencé à publier mes dessins sur Tumblr [5] puis sur Instagram après ma licence. Cela provient tout simplement d’un besoin de partager aux autres ce que je ressens.
Est-ce que certaines autobiographies en bande dessinée t’ont marquée ?
Oui. Broderies, de Marjane Satrapi, m’a beaucoup touché. Des femmes de la famille de l’autrice racontent chacune leur histoire, certaines très drôles et d’autres horribles. Je trouve que c’est son meilleur album, il m’a plus marqué que Persepolis. Je me souviens aussi des premiers Carnets de Joann Sfar. Son dessin très jeté et pourtant beau à regarder m’impressionnait beaucoup.
Serais-tu tentée d’en réaliser une ?
Il faut que je vive un petit peu avant de publier une bande dessinée autobiographique. Je n’ai pas envie de brasser du vent !
Tes bandes dessinées sont tantôt en français, tantôt en anglais, parfois un mélange des deux. Pourquoi cette alternance ?
J’ai réalisé plusieurs récits pour un fanzine berlinois, Good for nothing comics. Je les ai écrits en anglais pour être comprise par les lecteurs, à défaut d’utiliser l’allemand que je ne connais pas. Pour d’autres, je mélange les deux langues de manière assez spontanée, cela m’amuse. Comme j’écoute beaucoup de musique anglo-saxonne, ça peut provenir de là. J’aime beaucoup la langue anglaise depuis que je l’ai étudiée à l’université. En l’utilisant je tente de donner une certaine identité à mes récits. Par exemple, pour mon récit sur le groupe de musique The Cramps – qui a été accroché à la Maison des Auteurs lors de l’exposition Cosmographies –, mélanger le français et l’anglais convient bien à l’esprit déglingué des membres du groupe. Pour ce récit, je suis partie de la pochette du vinyl de Can your pussy do the dog ? où Poison Ivy est déguisée en chat.
Ton univers de prédilection, c’est la musique, le rock tout particulièrement. D’où cela te vient ?
Mes parents écoutent beaucoup de musique. On écoutait de la musique en voiture, à la maison, en CD et en vinyle. Mon père est même guitariste, il a joué dans plusieurs groupes. Lorsque j’étais à l’école primaire, mes grandes sœurs m’ont fait découvrir Indochine et Mylène Farmer, sans être vraiment certaines que j’avais le droit d’écouter ça. Je ne comprenais pas toutes les paroles, certaines me paraissaient un peu sexuelles… J’ai suivi les goûts de ma famille jusqu’à la fin du collège. Puis j’ai découvert David Bowie tout seule, en regardant le film C.R.A.Z.Y., dans lequel un ado déguisé en Bowie chante Space Oddity dans sa chambre. J’avais l’impression que c’était mon trésor à moi. Toute ma famille a fini par l’apprécier à son tour.
Même dans tes récits qui ne traitent pas de musique, on trouve beaucoup de citations musicales, de Desireless à Bob Dylan. Pourquoi ?
C’est passionnel. J’écoute presque tout le temps de la musique, surtout quand je dessine. Quand je découvre une musique que j’aime, je l’écoute jusqu’à l’écœurement. En ce moment j’écoute le groupe Pulp. Ils racontent une histoire douce-amère à chaque morceau, c’est d’une poésie incroyable. Je voudrais que mes dessins produisent le même effet. Des artistes comme David Bowie, Alice Cooper ou Klaus Nomi font eux-mêmes de la mise en scène. Ils transportent tout un univers visuel avec eux. Dans son album Murder Ballads, Nick Cave raconte de multiples histoires de meurtres qu’on visualise très facilement pour une transposition en dessin.
Il t’arrive aussi de te mettre en scène côtoyant les artistes musicaux comme si tu les connaissais. Comment as-tu imaginé ces histoires ?
Lorsque tu réalises que tu ne pourras jamais épouser Brian Molko, il faut bien compenser par quelque chose ! Je cultive ainsi l’autodérision. D’autant que si la rencontre avait réellement lieu, je serais gourde et incapable d’aligner trois mots. Me représenter avec lui permet de prendre un certain recul sur un fantasme que certains trouveraient pathétique.
Le projet sur lequel tu travailles pendant ta résidence à la Maison des Auteurs est une encyclopédie des rockeuses en bande dessinée. Peux-tu nous en dire plus ?
Je l’ai imaginé comme une compilation de récits, avec un mélange de texte et de dessin. Je voudrais lui donner une forme de carnet intime, qui change de forme au gré de mes envies. Chaque chapitre abordera un groupe ou une rockeuse par un récit court de bande dessinée, en noir et blanc ou en couleur. Ce pourra être une anecdote, ou une fiction inspirée par l’univers de l’artiste, par l’un de ses morceaux. Ces récits seront chacun accompagnés d’un texte illustré racontant comment j’ai découvert le groupe et pourquoi je tenais à le faire figurer dans l’album. Je tiens à pouvoir donner un point de vue personnel sur chacune des artistes. Je ne sais pas si les Cramps sont un jour partis à la chasse aux vampires, mais la probabilité est suffisamment élevée pour que je puisse le raconter ! Je veux m’amuser à jongler entre la véracité et la pure fiction.
Est-ce que ce sont des biopics comme ceux de Catel et Bocquet et ceux de Pénélope Bagieu qui t’ont donné l’idée de ce récit ?
Pas vraiment. J’ai aimé Les Culottées même si, de Bagieu, je préfère California Dreamin’, qui raconte la vie de la chanteuse Cass Elliott. Le diptyque Autel California, de Nine Antico [6], qui suit une groupie qui va rencontrer les Doors, les Stones, correspond plus à ma propre démarche. L’atmosphère vaporeuse et onirique donne une impression de légèreté qui m’inspire beaucoup. Mais c’est en tombant sur une interview de Morrissey, le chanteur des Smiths, que j’ai décidé de faire ce livre. Il disait que le rock est surtout une affaire d’hommes. Une belle connerie ! Je n’ai toutefois pas la prétention d’éduquer les gens. Je veux seulement rendre hommage aux femmes rockeuses et les valoriser.
Quels sont tes critères de sélection des rockeuses qui figureront dans l’album ?
Je veux varier le plus possible dans mes références, en incluant des artistes aussi différentes que Catherine Ringer, Elli Medeiros et la fille d’Alice Cooper, Calico. Cela dépend aussi de mon inspiration. Pour le groupe français La Poison, mené par la chanteuse Moon, j’imaginerai bien un récit de science-fiction space opera. Enfin, je choisis au fil de mes découvertes. Je n’en connaissais pas la moitié avant de faire mes recherches. Découvrir de nouvelles artistes tout en avançant sur la réalisation est très stimulant, cela donne envie de partager mes trouvailles. Je suis par exemple en train de réaliser un récit sur le groupe Bratmobile. Il faut fouiller le côté obscur de Youtube pour dénicher certains groupes. J’ai notamment découvert le groupe d’Allemagne de l’Est Namenlos, mené par deux femmes dans les années 80. À cause de leurs textes politiques, elles se sont fait arrêter par la Stasi. L’une d’elle, Mita Schamal, avait 17 ans et a donc été relâchée. Les rapports de police ont des mots très infantilisants à son égard. Elle est qualifiée de « bébé punk ». De quoi la révolter davantage !
Où en es-tu dans l’avancement du projet ?
J’ai réalisé une dizaine de planches, mais j’en suis encore à une phase d’élaboration par des prises de notes d’après mes recherches. Pour l’instant je n’ai pas d’éditeur. C’est le premier projet de bande dessinée que je réalise, avec toutes les interrogations que cela génère. J’aimerais avoir dans les prochains mois un dossier que je pourrais présenter aux éditeurs. Cette résidence est un crash test, elle me permet de me consacrer pour la première fois à plein temps au dessin.
Les Garaches, parue dans Spectres 2 : Féminités monstrueuses
(Les Siffleurs, 2018)
Certains de tes récits semblent imprégnés par le cinéma d’horreur. Quels sont les films que tu préfèrent ?
Parmi les sorties récentes, Grave, de Julia Ducournau m’a beaucoup marqué et j’ai aussi adoré The Voices, de Marjane Satrapi. Concernant les classiques, j’aime les films de John Carpenter. Ceux de David Cronenberg aussi, ses body horror en particulier. La Mouche est un des plus beaux films du monde. Ceux de Dario Argento m’inspirent beaucoup. La première fois que j’ai vu Suspiria, les couleurs m’ont scotchée, je rêve d’obtenir les mêmes effets en bande dessinée. Argento est venu à Angoulême lorsque j’étais en Master. Pour l’occasion, l’illustratrice Julie Staebler a demandé à la classe de réaliser des fausses affiches de giallo (films d’horreurs italiens) en sérigraphie. Nous les avons exposées au Vaisseau Moebius, Argento est passé les regarder. Et il nous a dédicacé des exemplaires de son autobiographie Peur.
D’autres préférences moins avouables ?
Je suis très fan des slashers des années 80, comme la trilogie Evil Dead. Surtout lorsqu’on suit une bande d’ados un peu stupides qui préfèrent se séparer lorsqu’ils sont en danger alors que tout le monde sait que c’est une mauvaise idée. En dehors du cinéma d’horreur, j’aime beaucoup les teen movies comme Breakfast Club, qui s’épanchent sur les états d’âmes d’ados blasés. Surtout lorsque s’ajoute le registre fantastique, comme dans The Craft (Dangereuse Alliance, en français) où une bande de copines se prennent pour des sorcières. Ou bien dans Ginger Snaps, qui traite de la transformation du corps adolescent, la protagoniste principale devenant une louve-garou. Enfin, je citerais Clueless. C’est un teen movie débile, mais j’adore cette niaiserie avec un fond de sincérité.
En bande dessinée, tu es aussi amatrice du style horrifique ?
Oui, les mangas d’horreur en particulier. Le mangaka Kazuo Umezu, à la dégaine assez punk, n’hésite pas à déchiqueter des enfants dans ses récits. Je suis très fan de ses livres qui sont réédités chez Le Lézard Noir. Je citerai aussi Suehiro Maruo. Je n’aime pas tout car le mélange de gore et de pornographie est très particulier. Certaines images sont drôles, d’autres très dérangeantes. Mais son dessin est à tomber par terre.
Dans tes propres récits horrifiques, les personnages féminins se révèlent à plusieurs reprises des vampires sanguinaires. Cela part-il d’une réflexion féministe ?
Je trouve qu’on s’emmerde un peu lorsqu’il y a une nana à sauver. C’est intéressant de bousculer les stéréotypes. Le récit de louve-garou Les Garaches, réalisé avec Émilie Sanchez pour le deuxième numéro de la revue Spectres, rend la femme dangereuse et monstrueuse dans cette intention, comme dans le film La Féline.
Ton style fait penser à Joann Sfar, à Catel aussi. Te reconnais-tu dans leur travail ?
Quand j’ai commencé à lire autre chose que de la BD jeunesse, Sfar est un des premiers que j’ai découverts. Grand Vampire et Le Petit Monde du Golem ont été des étapes importantes lorsque je suis passée à la bande dessinée adulte. Je trouvais le dessin fabuleux, les dialogues aussi. Dans son travail d’aujourd’hui quelque chose s’est fané, je ne retrouve plus la poésie et la candeur que j’aimais. C’est frustrant. J’en veux un peu à Joann Sfar pour cela. Mais c’est évident qu’il m’a influencée. J’espère d’ailleurs que mon style de dessin évoluera sans cesse dans les prochaines années. Dernièrement, j’ai pris une énorme claque en découvrant l’exposition Nicole Claveloux au festival d’Angoulême. Son noir et blanc rehaussé de petits traits est impressionnant. Pour ma part, je fais des hachures parce que je ne sais pas bien dessiner les décors. Je m’en servais au début comme cache-misère, mais à force cela peut donner de bons résultats. On m’a beaucoup reproché mes problèmes de perspective, de morphologie. Quand on assume ses faiblesses, on peut les détourner pour donner une âme au dessin.
Quels outils utilises-tu ?
J’utilise beaucoup le stylo-plume Carbon Pen, qui m’a été recommandé par une amie du Master. Il permet de faire des traits tout fin. C’est depuis la découverte de cet outil que je parsème mes dessins de hachures de manière frénétique. Je dessine aussi au Pentel qui est plus gros, idéal pour faire des remplissages. Je commence tout juste à me mettre à la plume. J’utilise ces outils en fonction de ce que je veux raconter. Pour mes récits sur des groupes punk par exemple, je compte bien utiliser un trait plus épais. Concernant la mise en couleur, j’aime bien expérimenter différentes techniques pour des illustrations uniques, ou le récit que j’ai dessinée au crayon de couleur. Mais pour mon encyclopédie de rockeuses, je reste sur Photoshop.
Qu’est-ce qui motive ton choix d’utiliser le noir et blanc ou la couleur pour un récit de bande dessinée ?
Question difficile. Lorsque j’imagine une histoire, je peux avoir des couleurs qui me viennent immédiatement en tête, comme des couleurs très vives inspirées des comics d’horreur pour mon récit sur les Cramps. À ce stade, je vais me demander si la couleur rehausse ou écrase le dessin. Mais lorsque je commence une histoire sans penser à la couleur, elle reste généralement en noir et blanc.
Tu as travaillé avec le collectif Les Siffleurs, ainsi que sur des fanzines comme Good for nothing comics. Comment ces expériences collectives ont-elles influencé ton travail ?
J’aime l’efficacité nécessaire à la réalisation d’un fanzine, qui aboutit en peu de temps à un objet fini. On est contraint de travailler dans l’urgence, un peu à l’arrache. Les Siffleurs est un collectif que ma sœur a formé avec des amis. L’expérience du travail à plusieurs avec eux, sur un thème donné, a été très stimulante. Les échanges sont bienveillants, on travaille comme dans un cocon.
A la fin de ton Master en 2018, tu racontes dans un récit [7] la frayeur que t’inspire le fait de rentrer dans le monde du travail. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Je n’en ai plus vraiment peur, il y a bien un moment où il faut s’y résoudre. C’est malheureusement compliqué de vivre de la bande dessinée aujourd’hui. Pour l’instant, j’ai la chance d’être soutenue par la Maison des Auteurs et par mes parents. Mais il y a bien un moment où je devrai faire des petits boulots. À l’époque où les auteurs étaient publiés dans la presse, ils vendaient leurs planches chaque semaine et n’étaient pas contraints de faire un deuxième travail. Notre époque est différente, la situation des auteurs s’est dégradée et ce n’est pas normal.
As-tu d’autres projets de bande dessinée en vue ?
Oui, même si c’est un peu trop tôt pour en parler. Pour l’instant, je ne parviens pas à concevoir de longs récits. J’aime bien capter des moments brefs. Avec ma sœur, nous aimerions dessiner un album de bande dessinée à quatre mains. Nos styles de dessin sont différents mais nous avons beaucoup de références communes. De mon côté, j’ai aussi beaucoup d’envies. J’aimerais faire un jour une bande dessinée d’horreur. Ce pourrait être un récit d’adolescents en fleur et en hormones dans un univers fantastique et horrifique. Mais actuellement je me concentre sur mon encyclopédie de rockeuses pour ne pas m’éparpiller.
Propos recueillis par Marius Jouanny à la Maison des Auteurs d’Angoulême le 10 mars 2020.
[1] voir : http://marsam.graphics/author/lisachetteau/
[3] Série d’albums pour la jeunesse écrits par Pierre Lehoulier et Françoise Naudinat, publiés chez Bayard.
[4] A lire en ligne : https://marsam.graphics/le-rituel/
[6] L’Association, 2014.