
soft city
d’Hariton Pushwagner (Inculte)
"Ce livre a tout d’un miracle", annonce Chris Ware dans la préface de cet étonnant et très bel album, qui met magistralement en scène le cercle infernal dans lequel s’est emprisonné l’homme moderne. Une bande dessinée réalisée entre 1969 et 1975.
Écrite et dessinée par un auteur norvégien né en 1940, Soft City retrace la journée d’un cadre moyen travaillant dans une grande société d’une grande ville. Le livre s’ouvre via le regard d’un bébé à travers les barreaux de son lit et se referme de même. Entre les deux, les mêmes gestes répétés à l’infini, par les parents, par les voisins, les employés, les consommateurs...
Ce n’est pas tant par le propos que cet album est exceptionnel, mais par sa mise en scène graphique. Le dessin à la ligne frêle laisse place à beaucoup de vide, mais au lieu de créer une respiration, ces espaces sont enfermants et sans horizon. Certes tout est soft dans cette société (soft travail, soft TV, soft meat...), mais c’est pour mieux tenir l’être humain en joug, une violence qui, insidieuse, dépossède l’homme de la Vie. Le soin particulier apporté à la fabrication du livre rend un bel hommage à cette œuvre marquante. (CT)