
disparition
alain resnais (1922-2014)
C’est son producteur, Jean-Louis Livi, qui a annoncé le décès du réalisateur Alain Resnais, survenu le samedi 1er mars à l’âge de 91 ans, au lendemain de la cérémonie des César, que le talentueux cinéaste connaissait bien pour y avoir reçu de très nombreux prix et la veille des Oscar - récompense dont il avait été honoré en 1950 pour son court-métrage Van Gogh). Alain Resnais était également un grand défenseur de la bande dessinée, témoignant de son attachement au Neuvième Art dans nombre de ses films.
« Quand je suis fatigué, je lis un roman ; quand je suis en pleine forme, je lis une bande dessinée. » déclarait Alain Resnais il y a quelques années à propos de ce Neuvième Art dont il se sera montré proche tout au long de sa vie.
- Alain Resnais par Nicolas Guérin
C’est à la suite du désormais célèbre article de Pierre Strinati intitulé « Bandes dessinées et science-fiction - L’âge d’or en France (1934-1940) » (in Fiction No.92, juillet 1961), qu’Alain Resnais, en compagnie de Francis Lacassin, Évelyne Sullerot, Pierre Couperie, Guy Bonnemaison ou encore Jean-Claude Forest, avait fondé le Club des Bandes Dessinées, en mars 1962. Le CBD qui deviendra le Centre d’études des littératures d’expression graphique (ou CELEG) et qui allait œuvrer à la reconnaissance de la bande dessinée au rang des arts et où le rejoindront notamment d’autres réalisateurs comme Chris Marker ou Federico Fellini. L’association éditera la revue Giff-Wiff, première revue d’étude sur la bande dessinée dans laquelle Resnais publiera plusieurs essais. Il rédigera ainsi la majeure partie des articles du numéro spécial consacré à Dick Tracy.
Lorsqu’il réalise un court métrage documentaire sur la Bibliothèque nationale (Toute la mémoire du monde), il n’hésite pas à apporter des illustrés de sa collection personnelle afin que la band dessinée figure à l’écran, alors qu’il ne parvenait pas à en faire sortir des réserves de la vénérable institution.
La bande dessinée, Resnais y puisera ensuite souvent son inspiration pour son œuvre cinématographique. Ainsi il s’ouvrira régulièrement de ses envies d’adapter quelques grands classiques la bande dessinée américaine qu’il lisait enfant, comme Le Fantôme du Bengale de Lee Falk, le créateur de Mandrake le magicien. Le personnage au haut de forme fera d’ailleurs quelques apparitions dans ses films.
En 1973, le cinéaste français participera à l’adaptation de L’An 01 de Gébé, aux côtés de Jacques Doillon, Jean Rouch et Gébé (Lee Falk, Marcel Gotlib, Stan Lee et Patrice Leconte y font des apparitions).
Connaissant bien le milieu de la bande dessinée, il en fera un portrait amusé dans I Want to go Home, réalisé en 1989 et dont le scénario et les dialogues avaient été écrits par le grand auteur américain Jules Feiffer. Il y mettait en scène un auteur de bande dessinée américain qui venait participer à une convention en France. Le film rendait hommage à ces grands auteurs américains dont Alain Resnais se sentait proche (Al Capp, George Herriman, Will Eisner...) et des personnages dessinés venaient y interpeller des personnages de chair et d’os.
Par la suite, Resnais collaborera avec d’autres auteurs de bande dessinée à qui il confiera notamment le soin de concevoir les affiches de ses films : Enki Bilal pour La vie est un roman (dont il concevra une partie des décors) et Mon oncle d’Amérique, Floc’h pour Smoking/No Smoking, On connaît la chanson et Pas sur la bouche (il est aussi l’auteur du portrait en médaillon), ou plus récemment Blutch pour Les Herbes folles ou pour le dernier film qui arrive bientôt sur les écrans : Aimer, boire et chanter [1] dont chaque décor est introduit par un croquis du dessinateur. Blutch dont Resnais disait : « Blutch, je l’apprécie depuis longtemps. C’est un grand dessinateur. Il a vu le film. Je ne lui ai pas dit de créer une affiche précise. Nous en avons discuté lors de cette après-midi. Blutch m’a montré ses dessins sur un grand cahier. En sortant, j’étais enivré. J’avais vu près de 500 dessins à la suite. Comme ça. Et je me suis dit : "Au fond, j’ai eu l’impression d’avoir passé l’après-midi avec Matisse ».
La bande dessinée vient certainement de perdre un de ses plus remarquables coryphées.
à lire
sur alain resnais et la bande dessinée
le très long entretien avec Alain Resnais par François Thomas dans Cinéma et bande dessinée,
sous la direction de Gilles Ciment,
CinémAction hors série, Corlet-Télérama, 1990.
sur alain resnais
Positif, revue de cinéma : Alain Resnais,
Gallimard (Folio No.3687), 2002 / 13,30€. Jean-Luc Douin : Alain Resnais,
La Martinière, 2013 / 45€.
[1]
Le film sera projeté au cinéma de la Cité à partir du 26 mars (sortie nationale).
Aimer, boire et chanter
France - 2014 - 1h48
Ours d’argent Alfred-Bauer, Prix de la critique internationale Berlin 2014
d’Alain Resnais
scénario Laurent Herbiet, Alex Reval
d’après l’œuvre d’Alan Ayckbourn
direction de la photographie Dominique Bouilleret
musique ou chansons Mark Snow
avec Sabine Azéma (Kathryn), Hippolyte Girardot (Colin), Caroline Silhol (Tamara), Michel Vuillermoz (Jack), Sandrine Kiberlain (Monica), André Dussollier (Simeon), Alba Gaia Bellugi (Tilly)