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disparition

fred

(1931-2013)

Il était né Fred Othon Aristidès à Paris en 1931. Le dessinateur Fred vient de mourir à Paris. Avec lui disparaît l’un des plus grands poètes de la bande dessinée.

Fils d’immigrants grecs, il grandit à Paris, dont il gardera toute sa vie la gouaille. Passionné par le dessin, il développe un goût pour l’humour et la culture anglo-saxonne, vouant une passion particulière à l’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll et à tous les maîtres du nonsense.
Il débute en plaçant des dessins d’humour, très marqués par Chaval et les maîtres du New Yorker, dans les journaux de grand tirage et publie en 1954 une première bande dessinée dans un journal étudiant où officient déjà Georges Bernier et François Cavanna. Bernier, alias le professeur Choron, rachète le titre qui est rebaptisé Hara Kiri. François Cavanna en devient le rédacteur en chef et Fred le directeur artistique. Il dessine toutes les couvertures des premiers numéros, qui frappent par leur humour à la fois absurde et cruel. Il publie également des dizaines de dessins d’humour, illustre sur le mode parodique des chansons de la Belle époque, raconte les aventures de Tarsinge, l’homme Zan, invente le Manu-Manu, animal fabuleux dont il se resservira plus tard dans Philémon, mais surtout dessine au sepia Le Petit cirque, que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre. Les pérégrinations de cette famille de Romanichels dans un univers imprévisible et hostile restent, à cinquante ans de distance, d’une force et d’une poésie inentamées.
En désaccord avec l’évolution de la ligne éditoriale d’Hara Kiri, Fred rejoint Pilote en 1965. Il y fait paraître quelques histoires courtes qui désorientent les lecteurs et fournit des dizaines de courts scénarios à des dessinateurs comme Jean-Claude Mézières, Hubuc, Monzon, Delinx, De Groot, Terry Gilliam… En 1968 Pilote accueille le premier épisode de Philémon, série qui lui apporte la notoriété.
Cette saga merveilleuse d’un jeune garçon et de son âne qui accèdent à un monde parallèle au nôtre, doté de deux soleils, où les océans sont parsemés d’îles en forme de lettres, va se déployer sur plus de quinze albums. Fred y met en place un univers fait de collages et d’incroyables inventions langagières et visuelles dont les lectures renouvelées n’épuisent pas la richesse. Dans Philémon, le parti-pris merveilleux n’empêche pas le commentaire social ou politique : on a, par exemple, souligné à juste raison que L’Île des Brigadiers, sixième tome de la série paru en 1975, était une allusion au régime dictatorial dit « des colonels » qui ensanglanta la Grèce de 1967 à 1974.
Parallèlement, Fred imagine pour le dessinateur Alexis la série de science-fiction Timoléon, dont le slogan (« Ils voyagent dans le temps pour de l’argent ») souligne l’intention très ironique.
Au cours des années 1970, tout en espaçant la parution des tomes de Philémon, il diversifie sa création : il enregistre avec Jacques Dutronc deux délicieux albums disques pour enfants qui mériteraient l’exhumation, puis signe les scénarios d’une quarantaine de courts métrages pour la télévision, dont les réalisateurs sont entre autres Jacques Rouffio et Daniel Vigne. Il revient à la bande dessinée dans les années 1980, avec plusieurs titres pour enfants et adultes, dont le plus remarquable est sans doute l’adaptation en courtes saynètes dessinées de passages du Journal de Jules Renard.
En 1993, L’Histoire du Corbac aux baskets revient avec humour et sensibilité sur la grave dépression qui l’a frappé quelques années plus tôt. Il est Grand prix de la ville d’Angoulême en 1980 et reçoit l’Alph’Art du meilleur album en 1994 pour L’Histoire du Corbac aux baskets.
Depuis vingt ans, diminué par une condition physique dégradée, Fred avait peu publié.
Le seizième et ultime volume de Philémon, Au train où vont les choses, a paru il y a quelques semaines. Fred s’est éteint le 2 avril 2013.
Fred à Angoulême, janvier 2009 © Nicolas Guérin
L’équipe de la Cité, qui a connu l’homme et le créateur, salue aujourd’hui avec respect et affection la mémoire d’un des plus grands auteurs de la bande dessinée contemporaine. Il était parmi nous il y a peu, pour découvrir avec émotion la superbe sculpture en aluminium anodisé réalisée par l’artiste Valérie Brossard, représentant Philémon et son âne Anatole, commanditée et offerte à la Cité par l’Association des Amis du musée de la bande dessinée.
Fred et Valérie Brossard
Dans son exposition de fin d’année 2013, Nocturnes, qui sera consacrée au rêve dans la bande dessinée, le Musée de la bande dessinée d’Angoulême rendra hommage à ce grand magicien des songes, qui s’inscrit dans la lignée de Lewis Carroll plus encore que dans celle de Little Nemo.
Toute la bande dessinée est en deuil. Notre peine et nos pensées vont à ses proches.

Philémon, L’enfer des épouvantails (collection du musée de la bande dessinée)

Philémon, L’Enfer des épouvantails (collection du musée de la bande dessinée)