fonds marvel - la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image
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fonds marvel

une collection exceptionnelle de comic books

En 2005, le conseiller scientifique du CNBDI (devenu en 2008 la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image), est contacté au téléphone par une correspondante parisienne au fort accent américain. Elle représente une organisation non-gouvernementale américaine, Gifts in Kind, et lui demande, après les présentations d’usage, si l’établissement serait intéressé par un don de comic books américains édités par la maison Marvel. Les comic books sont ces fascicules agrafés et imprimés sur du papier de médiocre qualité dans lesquels paraissent les aventures des célèbres super-héros américains. La maison Marvel ne nécessite aucune présentation chez les amateurs : depuis le début des années 1960, elle règne sur la production américaine et publie les aventures des Quatre Fantastiques, de Spider-Man, de Thor, du Surfer d’argent, de Conan le Barbare… Ayant manifesté son intérêt pour cette proposition, le conseiller scientifique s’entend préciser qu’il s’agirait d’un don de sept containers, du type de ceux qu’on trouve dans les soutes de tankers qui sillonnent les mers ! Passé le premier moment de sidération, le conseiller scientifique apprend que la firme Marvel, souhaitant se débarrasser de stocks anciens de ses publications, a contacté Gifts in Kind, dont la mission statutaire consiste à recueillir des dons en nature (c’est la signification de leur nom en anglais) sur le sol américain et d’en faire don à des organismes compétents hors des frontières des États-Unis. Ayant accepté le principe de la proposition de Marvel, les responsables de Gifts in Kind ont réfléchi au pays susceptible d’être intéressé par une telle manne et convenu rapidement que la France serait ce pays. Leur correspondante locale est prévenue et cherche à son tour qui en France pourrait être intéressé par cette offre. Angoulême paraît une évidence. Elle décroche le téléphone et, comme on l’a vu, discute avec le conseiller scientifique du CNBDI…
Débute alors une histoire hors du commun : sept containers représentent plus de deux millions de fascicules. Après avoir pris des renseignements et un moment de réflexion, les responsables angoumoisins décident finalement de n’accepter qu’un seul container, correspondant à la production des années 1950 à 1980. Le volume s’élève à 283.000 fascicules (d’une valeur marchande de 300.000$), soit presque autant que la production totale de titres de comic books depuis les débuts commerciaux de ce support aux États-Unis. Ils en déduisent donc avec raison qu’il s’agit d’invendus. Des listings d’inventaire (dont la suite prouvera qu’ils sont assez peu fiables) sont communiqués, et commence alors la saga du rapatriement.
Car si le don de Gifts in Kind est gratuit, l’organisation logistique et les frais de transport sont à la charge de l’organisme qui reçoit le don. Contactée pour savoir si elle est intéressée par des exemplaires de cette collection, la Bibliothèque nationale de France, dont la bibliothèque de la Cité est « pôle associé », répond très favorablement. Un montage financier est rapidement trouvé, qui permet de louer aux États-Unis les services d’un transporteur qui achemine le container des dépôts de Marvel en Arizona jusqu’au port de la Nouvelle-Orléans. Le container est ensuite chargé sur un cargo qui arrive au port de Bordeaux après trois semaines de traversée. De là, sous le soleil du mois de juillet et l’œil des caméras de la télévision régionale, le précieux chargement est amené jusqu’au bâtiment Castro (aujourd’hui connu sous le nom de « Vaisseau Mœbius ») de la Cité, à Angoulême. Une dizaine de personnes s’active alors pour amener des centaines de cartons dans une salle spécialement vidée et aménagée pour l’occasion. Dans les jours qui suivent, les cartons sont vidés et triés. Les séries étaient présentes en plusieurs exemplaires (parfois jusqu’à 50). Le tri a donc consisté à constituer sept collections d’environ 10.000 exemplaires chacune, comprenant elles aussi quelques doubles.
- La première collection, la plus complète (9.388 exemplaires après tri), a été entièrement inventoriée et a intégré les collections de la bibliothèque de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, faisant d’elle un des premiers fonds de conservation de comics en Europe.
- La deuxième à rejoint les réserves de la Bibliothèque nationale de France à Paris avant la fin de l’année 2005.
Les cinq autres collections ont permis, au cours des années suivantes, de faire des échanges de documentation avec d’autres structures de conservation de la bande dessinée :
- la bibliothèque de l’Université de Bordeaux,
- le CNBDI d’Amadora (Portugal),
- le Komacon de Bucheon (Corée du Sud),
- la Bibliothèque Ignasi Can Fabra de Barcelone (Espagne),
- la Bibliothèque municipale de Lausanne (Suisse).
Les exemplaires restant, soient plus de 200.000 unités, sont, selon les termes de la convention avec Gifts in Kind, acheminés jusqu’à une usine de papier charentaise et détruits (au grand désarroi de la communauté des fans de super-héros français, chez qui la nouvelle de l’arrivée du container s’est répandue comme une traînée de poudre).

Quelques articles pour en savoir plus sur ce don qui fit grand bruit en France et à l’étranger :
- Les archives Marvel offertes au Musée d’Angoulême ! (1er juin 2004) sur le site ActuaBD.
- Comic museum gets bumper donation (1st January 2005) sur le site The Guardian.
- Comic books donated to French museum(1st January 2005) sur le site China Daily.

voir des extraits du documentaire de La Galerie France 5 sur la collection Marvel de la Cité.

télécharger la liste des titres du fonds Marvel.

brève histoire de marvel comics

Pour les collections de la bibliothèque de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, ce don est un cadeau inespéré. Par sa quantité d’abord, par sa qualité ensuite. Car Marvel est une des firmes les plus importantes de l’histoire de la bande dessinée et plus généralement des médias américains.
La naissance de ce qui allait devenir Marvel se situe en 1939, quand la petite firme Timely, dirigée par Martin Goodman, et jusqu’alors spécialisée dans les pulps entame, après beaucoup d’autres, sa reconversion en publiant un fascicule de bande dessinée intitulé Marvel Tales, plus tard rebaptisé Marvel Mystery Comics. Goodman pénètre sur un marché déjà bien organisé, où l’on trouve des éditeurs installés, au premier rang desquels DC Comics, qui s’est taillé la part du lion en lançant à un an de distance des personnages dont les noms sont encore aujourd’hui connus de tous : Superman en 1938 (créé par Siegel et Shuster) et Batman en 1939 (imaginé par Bob Kane et Bill Finger). Ces deux personnages ont inauguré la vogue de ce que l’on n’appelait pas encore des super-héros mais des costumed heroes, les héros en costumes. DC a également à cette occasion popularisé un support jusque-là réservé à l’édition publicitaire et aux réimpressions : le comic book, c’est-à-dire l’équivalent d’un cahier de journal quotidien plié en deux qui devient un fascicule de format 17 x 27 cm, dont le papier de qualité médiocre est tenu par deux agrafes et imprimé sur des rotatives. Autre manière de dire que ça n’est pas de l’impression d’art.
La production de Timely est éclectique et fluctuante. La grande spécialité de Martin Goodman est, une fois qu’il voit que la concurrence obtient du succès avec un genre ou un héros nouveau, de copier sans vergogne la formule gagnante et d’en inonder le marché.
Timely obtient, pendant les années de guerre, un premier grand succès avec Captain America, super-héros dont le costume est taillé dans le drapeau des États-Unis. Sa mission explicite est de soutenir l’effort de guerre et de combattre les ennemis de la patrie, notamment le nazi incarné par Red Skull, lieutenant occulte d’Hitler.
L’après-guerre est une période de doute et de crise pour les éditeurs de comic books. Très appréciés des soldats pendant la guerre, les super-héros connaissent une réelle désaffection à la fin des années 1940. Les professionnels, gênés par l’essor progressif de la télévision sont de surcroît frappés par une violente campagne de dénonciation de la bande dessinée qui aboutira à ce que les éditeurs eux-mêmes mettent en place en 1954 un code de bonne conduite, le Comics Code. Censé moraliser le marché, le Comics Code entrave notablement la créativité des scénaristes et dessinateurs.
En 1950, Timely devient Atlas Comics et se démultiplie au travers de plusieurs sous-marques comme Vista, 20th Century…
À l’époque, tous les éditeurs de comics cherchent un peu à l’aveuglette à se relancer en explorant de nouvelles thématiques. Timely n’est pas le dernier à publier des westerns, de la science-fiction, des comics de guerre, des funny animals ou BD animalière, des BD d’humour et surtout des romance comics, histoires sentimentales qui connaissent une vogue incroyable au cours des années 50.
À la fin de cette décennie, un retour s’opère vers les super-héros. Certains sont ressuscités et remis au goût du jour, d’autres naissent, qui témoignent d’une notable évolution. À cette époque, Timely/Atlas, qui deviendra définitivement Marvel Comics en 1963, s’organise autour d’un staff qui comprend entre autres Bill Everett, les dessinateurs Jack Kirby et Steve Ditko, et Stanley Lieber dit Stan Lee, jeune cousin de la femme de Goodman qui prend une place grandissante dans la maison, passant en peu de temps du poste de grouillot à celui de scénariste.
 
Il n’est pas exagéré de dire que la parution en 1961 de Fantastic Four No.1 est le jalon qui marque une ère nouvelle qu’on appellera ensuite « The Marvel Age of Comics ». Stan Lee et Jack Kirby sont les auteurs de cette révolution : Fantastic Four rencontre immédiatement un immense succès. Les membres de ce quatuor de choc sont le docteur Reed Richards, dit Mister Fantastic, Benjamin Grimm dit The Thing, Sue Storm dite Invisible Girl, Johnny Storm, frère de la précédente dit The Human Torch. Chacun des Fantastic Four est doté non seulement d’un pouvoir spécifique mais aussi d’une personnalité et d’une psychologie complexes, et leurs vies de personnages ne se résument pas à leurs exploits de super-héros. Il est remarquable de noter que tous les quatre regrettent sincèrement le temps où ils n’étaient que des humains normaux (ils doivent leur transformation à des rayons cosmiques). C’est un trait commun à la plupart des héros Marvel, et en particulier Spider-Man, dont nous allons bientôt parler.
Autre point important : fidèle à l’adage qui veut que plus le méchant est réussi meilleure est l’histoire, Lee et Kirby inventent des héros malfaisants, les super villains, qui sont plus que des simples faire-valoir aux héros. Ils ont eux aussi leur histoire, leurs motivations et certains connaîtront une belle longévité lorsqu’ils s’imposent comme ennemis attitrés de tel ou tel super-héros : Von Fatalis (Doctor Doom) pour les Fantastic Four, Green Goblin pour Spiderman… De ce point de vue, l’approche des auteurs Marvel est assez « démocratique », et très éloignée des règles moralisatrices du Comics Code. La prodigieuse puissance graphique de Jack Kirby frappe les lecteurs de l’époque et les scénarios de Stan Lee pratiquent abondamment l’aparté, le clin d’œil et le second degré. Ce ton nouveau touche un public nouveau, celui des baby-boomers américains alors en pleine adolescence.

Ce premier succès sera suivi de nombreux autres. En 1962, Spider-Man fait ses premiers pas dans le No.15 d’Amazing Fantasy. Miroir de ses lecteurs, Spider-Man, alias Peter Parker, est un adolescent mal dans sa peau et désorienté par le super pouvoir qui lui tombe dessus. L’influence du dessinateur Steve Ditko est patente chez ce personnage plus complexe et mélodramatique que les autres créations de Stan Lee. Son succès récent au cinéma prouve que les tourments de l’âge ingrat sont toujours d’actualité. The Incredible Hulk, qui rappelle fortement The Thing, naît la même année, ainsi que Thor, explicitement inspiré du dieu des mythologies nordiques. Bientôt, c’est une pléthore de héros (et de méchants) que Marvel propose à ses lecteurs. Lee développe à grande échelle et de façon parfaitement consciente un concept déjà connu et commercialement juteux : les héros de séries séparées pratiquent le cross over, qui consiste à ce que des super-héros s’invitent dans les pages des comic books de leurs collègues, pour les épauler, ou les affronter. Les héros installés accueillent de nouveaux personnages qui sont mis au banc d’essai. Tout est fait pour que le lecteur s’enfonce dans un univers imaginaire cohérent, le Marvel Universe, qui connaît sa plus grande vogue dans les années 60 et 70.
La liste des héros marquants créés par Marvel dans la décennie 60 est impressionnante. On citera les X-Men, un croisement réussi des Fantastic Four et de Spider-Man (pour la sensibilité adolescente), Sgt Fury, qui renoue de manière flamboyante avec la tradition des héros de la Seconde Guerre mondiale, Dr. Strange qui explore les dimensions occultes, mystiques et spirituelles du monde, Daredevil le justicier aveugle, The Silver Surfer héraut du mangeur d’univers Galactus, soliloquant éternellement sur sa planche cosmique… Des dessinateurs aussi importants que John Romita, Gene Colan, Neal Adams, Jim Steranko, John Buscema œuvrent dans le sillage de Kirby et Ditko, sans conteste les artistes les plus importants de cette décennie dans le domaine des super-héros.
En 1968, le fondateur Martin Goodman vend la compagnie à une firme spécialisée, quelques mois avant que le marché des comic books n’entre en crise. Il reste cependant le patron de Marvel, au moins pour quelques temps. La même année voit les débuts des premières séries télévisées Marvel. 1970 est une année charnière : Kirby quitte la maison pour aller chez le concurrent DC, et Marvel explore un nouveau domaine, ce que l’on appelle le Sword and Sorcery, en adaptant en bande dessinée les Conan de Howard, (par le scénariste Roy Thomas et le dessinateur Barry Windsor Smith). Le succès est tel qu’à la suite on reprend Kull ou encore Red Sonja du même Howard.
C’est à la même époque que Spider-Man est confronté au problème de la drogue chez les jeunes, à l’occasion d’un mémorable épisode où il découvre son jeune colocataire mort des suites d’une overdose. Par ailleurs, on notera l’apparition de héros violents et dépourvus de super pouvoirs comme The Punisher ou Wolverine, même si ce dernier a quand même quelques particularités physiques hors du commun. Ils connaîtront un très grand succès dans la décennie suivante. En 1972, Stan Lee cesse d’être directeur éditorial et s’oriente vers les développements cinématographiques des personnages les plus populaires de la Marvel. La même année, Martin Goodman, fondateur de la maison, est débarqué. Une époque s’achève. À partir de 1975, Marvel entame une politique d’austérité, réduisant le nombre de titres et cherchant à rationaliser les multiples ramifications d’un univers en constante expansion. Plusieurs directeurs se succéderont, tentant avec des fortunes diverses, de « refonder » la production Marvel et de réorganiser la chaîne de production. La signature d’un contrat d’adaptation de Star Wars oriente la maison vers une politique d’exploitation de licences commerciales qui, à défaut d’être créative, s’avère extrêmement profitable.
Du point de vue artistique, quelques auteurs nouveaux parviennent à drainer sur leur nom un lectorat important et fidèle. C’est le cas de Frank Miller qui en 1979 reprend Daredevil et le transforme complètement, comme si les super-héros quittaient l’éternelle adolescence pour se confronter au vieillissement, l’amertume et l’échec. Il fera de même chez le concurrent DC avec Batman (The Dark Knight Returns), avant de se tourner vers des projets plus personnels. Cette nouvelle politique plus « auteuriste » se retrouve dans le concept des « séries limitées », dans lesquelles des auteurs connus s’investissent pour un temps donné. C’en est fini des héros indéfiniment « mariés » à un dessinateur…
Dans les années 1990 et 2000, les teenagers américains délaissent les comic books au profit des nouveaux médias audiovisuels et électroniques. Le marché s’en ressent, qui se réduit inexorablement au fil des années. Là où l’on vendait 2 ou 3 millions d’exemplaires d’une série à succès, on n’écoule plus aujourd’hui que 200 à 300.000 exemplaires… Malgré le succès de certaines séries, Marvel connaît quelques moments difficiles dans un marché en profonde mutation. De plus, la défection de quelques jeunes auteurs vedettes (Todd McFarlane, Jim Lee, Rob Liefeld, etc.) partis créer leur propre firme, a un effet dévastateur sur la position de Marvel (et de DC son grand rival) sur le marché du comic book. Marvel renoue avec un relatif succès et le profit à la fin de la même avec un retour aux bases de son univers, teinté pour l’ambiance des histoires d’une dureté bien dans l’air du temps (un groupe de héros se nomme même les Inhumans).
Depuis le début de l’actuelle décennie, Marvel, qui est cotée à la bourse de New York, occupe de nouveau une place prépondérante dans un marché comme on l’a vu considérablement réduit. En revanche, sa position dans le paysage hollywoodien est loin d’être négligeable. On ne rappellera pas les succès cinématographiques qu’ont été Spider-Man et les X-Men. L’univers Marvel trouve sur le grand écran un débouché qui permet en retour de relancer des séries lues au fil des décennies par au moins deux générations de lecteurs, et de favoriser la vente non seulement de comic books, mais également de recueils, de DVD, de jeux vidéo... De manière exemplaire, la logique commerciale du multimédia s’applique ici à grand échelle. Le succès commercial des séries d’origine est dans ce contexte d’une importance relative. Et le « règne » de Marvel sur le cinéma populaire américain est fait pour durer depuis que la firme Disney, par l’intermédiaire de sa filiale Pixar, a racheté Marvel et ses licences en 2009 pour quatre milliards de dollars.