le parcours de l’exposition - la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image
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m a n g a p o l i s

le parcours de l’exposition

une visite de la ville en six parties

L’exposition dresse le portrait de la ville japonaise, souvent personnage à part entière dans le manga, et s’organise autour de 6 parties largement illustrées : anatomie de la rue japonaise, la ville comme personnage (six regards d’auteurs particuliers), topographie fantasmée, chaos urbain, le manga dans la ville, lueurs d’Orient.

anatomie de la rue japonaise

Tôkyô est la ville par excellence : de loin la plus grande agglomération du monde
(près de 36 millions d’habitants pour le « Grand Tôkyô »), c’est un espace urbain très étendu (près de vingt fois la superficie de Paris) qui présente étonnamment une densité de population plutôt basse, s’établissant environ au tiers de celle de la capitale française. Son paysage est un contraste étonnant, entre les buildings des grands centres d’activité, et les petits villages tranquilles des zones résidentielles.
Les gares ferroviaires, points nodaux de cette structure urbaine, deviennent de véritables empilement d’espaces commerciaux, autours desquels les différents modes de transport existent sur divers plans et évitent de se rencontrer : métro en sous-sol, autoroute en hauteur, ou encore passerelles pour piétons.
Il ne saurait non plus être de ville japonaise sans ses distributeurs automatiques et ses combini (pour « convenience store ») ouverts 24 heures sur 24, toujours là pour parer à la moindre nécessité.
Particularité peut-être la plus remarquable de la ville japonaise, le fait que les rues ne portent pas de nom. Un système d’adressage figure bien sur les pylônes électriques (jalons d’un réseau inextricable dans le ciel des petites rues), mais celui-ci n’est d’aucune utilité pour le piéton cherchant son chemin. Pour s’orienter à Tôkyô, il faut établir des points de repères, et donc, progressivement découvrir le voisinage... dans une approche, en définitive, à l’échelle humaine.

la ville comme personnage : six regards d’auteurs particuliers

Adachi Mitsuru : H2
Largement consacrée au baseball, l’œuvre d’Adachi gravite naturellement autour du Kôshien, le stade situé en banlieue de Kôbe où se tient tous les ans en août le Championnat Scolaire National de Baseball. Mais en dehors de ces occasions festives, il s’agit surtout de décrire la vie dans ces banlieues tranquilles, à l’écart des grands centres de Tôkyô ou d’Osaka - la vie des collégiens, partagée entre les deux points névralgiques que sont le collège et la maison familiale.
Alors que chez d’autres auteurs, les cases de panorama urbain s’offrent comme un espace où se développe le discours intérieur, chez Adachi elles viennent plutôt construire une ambiance par les évocations qu’elles amènent.
Le ciel y occupe toujours une place particulière, jouant souvent le rôle d’un marqueur temporel (nuages printaniers, azur éclatant de l’été, soleil crépusculaire ou simple obscurité nocturne), avant que, par petites touches, ne s’esquisse la géographie d’un lieu familier. Et bien qu’elle y soit souvent représentée sans aucune présence humaine (peut-être pour en souligner sa qualité d’espace secondaire du déroulement du récit), la ville apparaît toujours comme résonnant des échos de la vie qui l’occupe - espace vibrant, habité et jamais véritablement désert.

Nananan Kiriko : Every Day
Depuis ses débuts en 1993, Nananan Kiriko (née en 1972) construit à petites touches une œuvre épurée et immédiatement reconnaissable.
On y suit souvent les trajectoires de jeunes femmes déracinées, venues dans la capitale pour y commencer une nouvelle vie mais y découvrant surtout la solitude des grandes villes modernes. Avec Everyday (publié en 1999), elle développe pleinement cette thématique pour la première fois dans un récit long.
Comme respectueuse de ses personnages, Nananan Kiriko se tient à distance et égrène sa narration toute en retenue, jouant sur les cadrages et les postures. Les scènes d’intérieur sont ponctués des signes intimes d’une vie simple : un panier de linge sale, les pinces à linge sur un étendoir, la vaisselle en train de sécher...
Dehors, s’étend la ville, souvent déserte et indifférente - non pas une ville, mais peut-être plutôt l’idée d’une ville. Une ville tracée d’un trait qui laisse à peine discerner ici ou là les enseignes ou les noms de marque - ces indications semblent se troubler et disparaître dans la routine du quotidien et les questionnements de ces âmes tourmentées, comme si le regard ne savait plus s’y arrêter.

Manabei Shôhei : Ushijima, l’usurier de l’ombre
Depuis toujours, la figure du criminel a été objet de fascination dans la production culturelle japonaise. Avec Ushijima, l’usurier de l’ombre (débuté en 2004), Manabe Shôhei nous entraîne dans l’envers du décor de ce Japon longtemps abonné aux places de premier de classe (économique). Chaque histoire est l’occasion de découvrir un personnage pris dans une spirale infernale, qui l’amènera immanquablement à sa perte. Loin de l’éclat de la réussite et des années de la « Bubble », on découvre ici une « suburbia » moins reluisante, zones pavillonnaires en bordure d’espaces industriels, à l’ombre des rocades et des lignes à haute tension, où la vie se fait aussi rare que l’espoir et où aucune rédemption n’est à attendre.
Au fil de la série, Manabe met plusieurs fois en parallèle les cheminements physique et mental, revisitant les étapes de la déchéance de ses personnages. La ville y prend une dimension différente, presque inhumaine - non plus espace où l’on vit, mais espace démesuré où l’on erre...

Takahashi Tsutomu : Bakuon Rettô
Depuis 2002, Takahashi Tsutomu propose avec Bakuon Rettô un récit ancré dans le Tôkyô des années 80. On y découvre le jeune Kase Takashi, adolescent à la dérive qui va finir par rejoindre (presque par hasard) des bôsôzoku, ces gangs de motards qui organisent, la nuit, de longues traversées de la capitale, se saoulant de bruit, de vitesse et d’appartenance au groupe.
On se trouve ici dans la partie Sud de la métropole japonaise - C’est encore Tôkyô, mais en réalité ce n’est plus vraiment Tôkyô. Le « vrai » Tôkyô, celui que l’on montre et que l’on connaît, se construit ailleurs, vers le centre et les grands chantiers de Shinjuku. Là-bas, les mansions sont illuminées comme des sapins de Noël, la vie semble plus belle. Pour Takashi et ses camarades, la ville devient un terrain à conquérir. Devenus créatures de la nuit (quand leurs motos leurs donnent des ailes), ils se retrouvent dépourvus le jour - souvent écrasés par la chaleur ou l’ennui. Ville haute contre ville basse (la shitamachi historique, gagnée sur les marais), la lutte des classes prend alors une dimension
résolument géographique et urbaine.

Arai Hideki : The World is Mine
Récit à déconseiller aux âmes sensibles, The World is Mine (publié entre 1997 et 2001) trace les trajectoires convergentes de Toshi et Mon-chan, poseurs de bombe en cavale, et d’Higumadon, créature dont on ne connaît que les traces (gigantesques et sanglantes) qu’elle laisse sur son passage. Pour une fois, l’action se déroule dans le Nord du Japon, un Japon froid et encore couvert de forêts, loin des visions habituelles de la métropole japonaise.
Pour autant, la ville est toujours là, familière et immuable. Du Nord au Sud de l’archipel, ce sont toujours les mêmes bâtiments que l’on retrouve, les mêmes rues, les mêmes paysages urbains... les mêmes enseignes.
On est ailleurs, tout en restant toujours au même endroit - comme s’il n’y avait pas des villes, mais une seule, qui s’étendrait sur des kilomètres sans jamais s’arrêter. Une ville-organisme, que l’on arriverait jamais à vraiment quitter. En fait, rien d’autre que cette ville que l’on peut apercevoir lorsque l’on emprunte le Shinkansen et que défile, de l’autre côté de la fenêtre, un paysage urbain ininterrompu.

Harold Sakaguchi : Beck
Véritable bildungsroman se déroulant dans le milieu de la musique, Beck s’attache à tracer la trajectoire du jeune Koyuki, adolescent en devenir se retrouvant presque par la force des choses le guitariste du groupe qui donne son titre à la série.
Au fil de ce récit de plus de 6.500 pages, on notera la présence forte de quelques lieux récurrents, qui « ancrent » le récit et dont l’introduction ou le rappel se fait toujours à l’aide de la même image : la maison de Koyuki, espace intime de ses questionnements personnels ; la baraque du club de pêche, lieu de réunion du groupe où vont également s’exprimer les tensions ; et enfin, la scène du Greatful Sound Festival, lieu de réalisation et d’existence aux yeux du monde.
Trois lieux qui correspondent aux trois facettes du personnage principal (intime, social et public, en quelque sorte). L’utilisation d’une image iconique pour introduire chaque lieu (agissant comme une sorte de sas narratif) s’étend à d’autres lieux importants du récit, comme c’est le cas pour les salles de concert (notamment le Marquee, le Solid Hall et le Suzi) ou encore la place particulière de l’aéroport de Narita, utilisée comme « porte symbolique » vers l’étranger.

la topographie fantasmée de tôkyô

Au centre vide immortalisé par la formule de Roland Barthes, Tôkyô répond par un cercle - celui du parcours de la Yamanote, ligne du métro symbolique à bien des égards. Ainsi, la plupart des cartes semblent toujours se concentrer sur le centre, sur les huit arrondissements qu’elle traverse.
Matérialisation de la séparation historique entre la ville haute et la ville basse gagnée sur les marais, plaque tournante ferroviaire essentielle, la Yamanote s’impose comme une artère unique irrigant la plupart des lieux de pouvoir de la capitale : la presse à Ôtemachi, le politique à Nagatachô, la finance à Shinjuku, la mode à Shibuya, les arts à Ueno... l’international à Yurakuchô et le religieux à Asakusa, peut-être ?

D’une certaine manière, c’est l’ensemble du Japon qui en vient à graviter autour de sa capitale, dans un jeu de cercles concentriques imbriqués - la circonférence parfaite et idéalisée du trajet de la Yamanote prenant alors la dimension, sinon de tout un monde, du moins d’un pays. Un pays dont le drapeau porte, étrange coïncidence, un disque en son centre...

chaos urbain, scènes de destruction

Sans aucun doute, les catastrophes naturelles font partie de la vie des Japonais : l’archipel nippon est une zone particulièrement agitée, puisque l’on y enregistre
plus de quatre séismes quotidiens en moyenne, et que l’on y recense plus d’une centaine de volcans en activité avec pas moins de onze éruptions franches depuis 2000 - sans compter la trentaine de typhons qui viennent caresser les côtes japonaises chaque année.
Cela explique peut-être au Japon l’importance du genre post-apocalyptique
dans la production culturelle, genre beaucoup moins développé ailleurs.
Survivre, endurer, reconstruire. D’un extrême à l’autre, des aléas incontrôlables
des éléments naturels, aux systèmes impitoyables d’une société parfois (in)humaine, en passant par les éclats d’une violence qui pourrait à tout moment éclater, le Japon aime à se mettre à l’épreuve. Et, peut-être, se convaincre que quoi qu’il advienne, il y survivra.
Katsuhiro Ōtomo : extrait de "Akira" ©Mash Room Co. Ltd. Tokyo/Kodansha Ltd. Tokyo, 1990. Edition française Glénat, 1999-2000.

le manga dans la ville

Au Japon, les manga sont une source d’inspiration populaire comme une autre,
et on les retrouve régulièrement sur le petit écran, que ce soit en version animée
ou dans une adaptation en « drama », le format de série télévisée local.
Et presque dès sa création, le manga a existé en dehors de ses pages, prenant sa place dans la vie quotidienne (et parfois dans la ville) des Japonais. Ainsi, certains lieux emblématiques se retrouvent peuplés des statues de célèbres personnages de manga, quand il ne s’agit pas de construire ici ou là des version « grandeur nature » des robots géants popularisés par les dessins animés. Plus largement, c’est toute la pop-culture nipponne qui se retrouve influencée par l’imaginaire manga qui s’incarne, s’insinue partout, et investit tous les domaines... jusqu’au ministère de la Culture qui, depuis quelques années, a décidé de s’appuyer sur la notoriété internationale du chat-robot Doraemon pour en faire son ambassadeur.
Tetsujin, 2009 - Kobe Mitsuteru Yokohama Hikari Production/Kobe

lueurs d’orient

De nombreux auteurs de bande dessinée ont ressenti le besoin, au retour d’un voyage au Japon, de partager leur expérience et de jouer les Marco Polo modernes.
Au rythme de ces aventures du quotidien, on découvre souvent un inventaire mi-amusé, mi-fasciné, de ce qui rend les villes japonaises si particulières – ainsi que tout un univers de panneaux et d’enseignes, de néons et d’électronique.
Parfois, ce voyage se double d’une facette intime, donnant au voyageur l’occasion de se découvrir lui-même.
Au commencement, il y a toujours un voyage : une rencontre avec le Japon, qui laisse une telle impression qu’il devient presque impérieux d’essayer de la partager. L’exemple le plus célèbre reste bien évidemment l’enthousiasme lyrique d’un Roland Barthes racontant sa découverte de L’Empire des signes il y a plus de quarante ans, signant sans doute là l’un de ses textes les plus emblématiques.
Florent Chavouet : extrait de "Tokyo Sanpo", Ed. Philippe Picquier, 2009.
Plus proches de nous, plusieurs auteurs de bande dessinée se sont laissé aller
à la tentation de retranscrire leur expérience, depuis les pérégrinations nonchalantes de Florent Chavouet dans Tokyo Sanpo aux balades mélancoliques d’Emmanuel Guibert dans Japonais, en passant par les tribulations amoureuses et autofictionnelles de Frédéric Boilet, ou la découverte solitaire de la ville japonaise par Lars Martinson dans Tonoharu.

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